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Présidentielle en Iran : les questions bêtes que vous n'osez pas poser

A l'occasion de l'élection de ce vendredi, francetv info essaie de présenter simplement ce grand pays et les enjeux du scrutin.

Article rédigé par Gaël Cogné
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Une femme arbore les couleurs du candidat conservateur Ali Akbar Velayati lors d'un meeting, le 12 janvier 2013, à Téhéran (Iran). (ATTA KENARE / AFP)

Vous en avez peut-être entendu parler. L'Iran vote vendredi 14 juin, pour une élection présidentielle à deux tours. Mais vous trouvez que l'Iran est loin, son système politique obscur et tous ces enjeux bien compliqués. Bref, vous avez cessé d'essayer de vous y intéresser. Alors francetv info reprend les choses depuis le début et répond aux questions qu'on n'ose pas vraiment poser en public. 

C'est quoi en fait, l'Iran ?

Un grand pays d'Asie qui abrite l'une des civilisations les plus anciennes au monde. L'Iran fait plus de trois fois la taille de la France et les Iraniens sont plus nombreux que les Français : 79 millions. Un peu plus que les populations de la France et la Belgique réunies.

Ce vaste territoire est frontalier de sept autres pays. Et pas des moindres. Il s'étend de la Turquie à l'Afghanistan et au Pakistan. On y trouve deux ouvertures maritimes, de hautes et glaciales montagnes (qui culminent à 5 607 mètres), des déserts qui battent des records de températures et des villes irrespirables. C'est aussi le deuxième producteur de pétrole au monde.


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D'accord, mais pourquoi on en fait tout un plat ?

C'est vrai que nos médias et dirigeants parlent beaucoup de l'Iran. Encore plus aux Etats-Unis, d'ailleurs. Pendant le débat consacré à la politique étrangère pendant la campagne présidentielle américaine, c'est le pays qui a été le plus mentionné : 47 fois. Devant la Chine (35 fois).

Les Etats-Unis et l'Iran ont en effet un vieux contentieux. Les Américains, avides du pétrole iranien et soucieux de contenir le communisme, ont soutenu le monarque iranien (le Shah) dans les années 1970. Il a été renversé par la révolution de 1979, qui a été suivie d'une longue prise d'otages à l'ambassade américaine à Téhéran, la capitale. Depuis, la République islamique se fixe notamment pour but de combattre l'impérialisme.

L'Iran a aussi un deuxième ennemi : Israël, perçu "comme un avant-poste du 'colonialisme' occidental dans la région", explique cet analyste américain. Le Guide suprême (l'homme le plus puissant d'Iran, à la fois guide politique et religieux), Ali Khamenei, a même dit que c'était un "cancer qui doit être retiré".

Alors pour se défendre ou attaquer ses puissants ennemis, les Iraniens cherchent à fabriquer l'arme atomique. Les Iraniens n'ont pas encore la bombe, mais malgré les sanctions et les attaques informatiques, leurs scientifiques ne doivent maintenant plus en être loin.

Mais à en croire l'analyste américain, il ne faut pas non plus paniquer. Le régime iranien est conscient que "n'importe quelle attaque nucléaire (...) conduirait probablement à une contre-attaque massive des Israéliens, accompagnés des Etats-Unis, qui se solderait par la destruction du régime".

Mais qui va être élu vendredi ? Ce Guide suprême dont vous venez de parler ?

Non, lui, il a un siège presque à vie. Ali Khamenei est le deuxième Guide suprême depuis le début de la République islamique. Il a ce titre depuis 1989, soit plus de vingt ans. Il possède presque tout le pouvoir. 

Les Iraniens vont voter vendredi pour le deuxième homme fort : le président de la République. Aujourd'hui, il s'appelle Mahmoud Ahmadinejad. Oui, celui qui s'est fait une spécialité des propos outranciers. Il ne peut pas se représenter pour un troisième mandat.

L'actuel président de l'Iran, Mahmoud Ahmadinejad, le 22 mai 2013, à Téhéran. (IRANIAN PRESIDENCY WEBSITE / AFP)

Mais ces élections ne sont-elles pas truquées, comme dans toutes les dictatures ?

Difficile de prévoir dans quelles conditions se déroulera le vote. Lors de la précédente élection présidentielle, en 2009, de très nombreux manifestants sont descendus dans les rues des grandes villes à l'annonce des résultats. Ils ont accusé le pouvoir d'avoir fraudé pour empêcher que le candidat réformateur, Mir Hossein Moussavi, n'accède au pouvoir.

Ah, c'était comme les printemps arabes ?

Un peu. "L'Iran a toujours été un pays précurseur", relève Thierry Coville, chercheur à l'Iris et professeur à Novancia. Les manifestants ont beaucoup utilisé les réseaux sociaux, notamment Twitter, qui a permis de relayer une vidéo de Neda, manifestante morte sous les balles.

Sauf qu'à la différence des printemps arabes de 2011, en Tunisie, en Egypte, en Libye ou au Yémen, le chef de l'Etat n'a pas quitté le pouvoir. Ce mouvement a été suivi d'une intense répression et l'ex-candidat réformateur est maintenant en résidence surveillée.

Mais il reste des chances que les choses changent ?

Au total, 686 candidats ont déposé un dossier. La sélection a été drastique. Du tamis, il n'est sorti que huit candidatures. Deux ont déclaré forfait. Les six présélectionnés sont tous liés soit au Guide suprême, soit à l'appareil sécuritaire. Et parmi eux, il n'y a qu'un seul candidat modéré, sinon, ils sont conservateurs.

Pour la précédente élection, plusieurs candidats réformateurs, soucieux de changer cette théocratie, étaient présents. Cette année, l'ancien président Akbar Hachémi Rafsandjani, le réformateur favori de l'Occident, poids lourd a été rayé de la liste des concurrents par le Conseil des gardiens de la révolution, une sorte de Conseil constitutionnel composé de religieux et de juristes. Pour sélectionner les candidats, ils avaient de nombreux critères, selon Slate, comme être "ingénieux et avoir un esprit d'encadrement", mais surtout, se montrer "digne de confiance, pieux et croire dans les principes fondamentaux de la République islamique d'Iran et dans l'islam, la religion officielle du pays".

Donc les candidats sont tous des islamistes ?

Oui. Mais islamiste est un terme un peu fourre-tout. Il existe toutes sortes d'islamistes. Le Petit Robert explique que l'islamisme est un "mouvement politique et religieux prônant l'expansion ou le respect de l'islam".

En fait, "islamiste ne veut rien dire dans le cas de l'Iran", relève Thierry Coville. Tous les candidats doivent faire " allégeance au système" de la République islamique. Cependant, au sein du pays, il existe de multiples tendances et, en vérité, "plus personne ne croit à l'islam politique en Iran", selon le chercheur.

Preuve qu'il faut se méfier des apparences, le candidat le plus modéré, Hassan Rohani, est un mollah. C'est-à-dire un membre du clergé chiite (la branche majoritaire de l'islam en Iran). Il défend notamment la liberté d'expression.

Le candidat modéré Hassan Rohani, le 24 avril 2006, à Téhéran. (ATTA KENARE / AFP)

Rohani bénéficie du soutien des réformateurs face à des conservateurs divisés. Selon des sondages officiels, il pourrait arriver en deuxième position à l'issue du premier tour, derrière le maire de Téhéran (la capitale), Mohammad Bagher Ghalibaf, célèbre pour ses yeux bleus qui font craquer le cœur des femmes et ses coups de matraques qui font craquer la mobilisation des étudiants.

Et si le modéré ne gagne pas, il va encore y avoir des manifestations ?

Effectivement, "le régime a peur de revivre un remake de 2009", relève Thierry Coville. Ce qui explique, peut-être, que le réformateur Rafsandjani n'a pas été autorisé à concourir. La population a aussi souffert de la répression et a pu se montrer désabusée dans un contexte économique très morose. Mais, comme l'expliquait un politologue à RFI : "Les services de sécurité ont maintenant l'expérience des contestations de 2009, ils sont donc préparés. Mais tout est possible. Même une insurrection d’une grande ampleur."

J'ai eu la flemme de lire l'article en entier et j'ai scrollé vers le bas. Vous pouvez me dire l'essentiel ?

Six candidats se présentent à l'élection présidentielle, dont cinq conservateurs et un modéré qui pourrait avoir ses chances. Il a reçu le soutien des réformateurs et certains sondages le donnent en deuxième position. La transparence du scrutin est une grande inconnue. La dernière élection avait été marquée par de grandes manifestations dénonçant des fraudes mais, contrairement à plusieurs printemps arabes, le régime a tenu bon.

Le format de cet article est très largement inspiré du travail d'un blogueur américain du Washington Post.

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