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Prix du gaz : le gouvernement risque de perdre son bras de fer

A ma droite, GDF Suez, qui réclame une hausse des tarifs. A ma gauche, Ayrault et ses ministres, qui la refusent. Un duel dans lequel le gazier fait figure de favori.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
GDF Suez veut augmenter ses prix, mais le gouvernement continue de s'y opposer. (FRED TANNEAU / AFP)

ENERGIE – Vers une hausse du prix du gaz de 7% ? C'est ce que suggère le quotidien Le Figaro, mercredi 12 septembre, qui fait part des efforts de GDF Suez pour obtenir cette augmentation. Une demande refusée aussi sec par la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, qui la juge "en l'état pas satisfaisante". Et la ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, l'a réaffirmé, jeudi sur RTL : "Il n'y aura pas de hausse de 7% des tarifs du gaz au 1er octobre."

Dans son bras de fer avec le gazier, le gouvernement tient bon. Pour le moment. Car cette nouvelle vient relancer une longue série d'affrontements entre les deux parties. FTVi liste les raisons qui indiquent que le duel pourrait tourner à l'avantage de GDF Suez, et ce au détriment du porte-monnaie des foyers français.

1Parce que le prix du gaz se cale sur celui du pétrole

A équivalence énergétique, le gaz est moins cher que le pétrole. Pourtant, leurs courbes de prix suivent les mêmes évolutions, depuis l'arrivée sur le marché du gaz naturel, dans les année 1970. Cet été, les cours du gaz ont flambé en même temps que ceux des carburants, avec un maximum atteint le 31 juillet, à 3,272 dollars le million de BTU (la mesure internationale de référence, équivalant à 28 m3 de gaz). Et jusqu'à preuve du contraire, l'Etat n'a pas la main sur les cours mondiaux des matières premières. Le problème du gaz est donc similaire à celui de l'essence. 

Très naturellement, GDF Suez cherche donc à répercuter la hausse de cette matière première sur le consommateur. A ce titre, l'entreprise souhaite augmenter la facture de 1%. Elle demande également une hausse de "rattrapage" de 6%, après plusieurs mois de gel des prix.

2Parce que la loi, c’est la loi

Le décret du 18 décembre 2009 est très clair : les tarifs réglementés de l'Etat doivent couvrir les frais d'approvisonnement, et donc répercuter les hausses du prix des matières primaires.

Il reste une solution au gouvernement pour ruser : créer différents tarifs. C'est l'idée du député PS François Brottes, qui a présenté une proposition de loi, mercredi 5 septembre. Avec deux axes majeurs, explique Le Monde.fr : instaurer une "tarification progressive afin d'inciter les ménages à consommer moins" et étendre "les tarifs spéciaux 'produit de première nécessité' à l'ensemble des allocataires de minima sociaux".

Le texte est très attendu par les associations de consommateur. La CLCV lance un appel, mercredi : "Prix du gaz : maintenant ça suffit !" : "Augmenter à nouveau le prix du gaz alors que le Parlement s'apprête à discuter d'une proposition de loi" n'aurait "aucun sens".

3Parce que l'Etat a trop fait la sourde oreille

GDF Suez revient régulièrement à la charge, mais les gouvernements successifs jouent des coudes pour s'épargner des hausses très impopulaires.

Dernier exemple en août. GDF Suez réclame une forte hausse, de l'ordre de 7%, pour répercuter les cours mondiaux. Mais le gouvernement ne lui offre que 2%. Le gazier s'en plaint dans un communiqué, le 2 août : "Concernant les tarifs du gaz en France, la décision du gouvernement de limiter la hausse de juillet à 2% est insuffisante pour couvrir les coûts d’approvisionnement de GDF SUEZ, comme l’a souligné la CRE dans sa délibération du 17 juillet." Le groupe estime être pénalisé de 30 millions d’euros sur le troisième trimestre. Et va tout faire pour obtenir un rattrapage.

Fin 2011, le gouvernement Fillon avait déjà fait la sourde oreille, en décidant de geler les prix. De son côté, GDF Suez réclamait une hausse des tarifs de 10%.

4Parce que la justice a déjà annulé un gel des prix

Avec cette dernière décision, la justice est entrée dans la ronde. Après le gel décidé par le gouvernement Fillon, GDF Suez avait décidé de saisir le Conseil d'Etat. Quelques mois plus tard, la juridiction a finalement donné raison au gazier, le 10 juillet. GDF Suez s’était aussitôt félicité de cette décision : "Le groupe va facturer 290 millions d’euros à ses clients sur une durée permettant de réduire l’impact sur leur pouvoir d’achat." Le Monde croit savoir que ce rattrapage "étalé sur 18 mois à partir de décembre, s'élèvera à 38 euros en moyenne pour un ménage se chauffant au gaz". Cette fois-ci, le gouvernement ne pourra rien y faire. 

GDF Suez ne s'y trompe pas. La jurisprudence donne un avantage certain au gazier. Il a donc décidé de saisir à nouveau le Conseil d'Etat après la décision du gouvernement Ayrault de limiter la hausse à 2%, cet été. 

5Parce que la Commission européenne tance la France

Pour le moment, la Commission européenne tolère l'intervention de la France sur les prix facturés aux particuliers. Pour le moment. Car cette année, la pression s'est déjà resserrée sur les prix du gaz appliqués aux entreprises françaises, rappelait en mai le site Euractiv.fr. La Commission a ainsi mis en demeure l'Etat, lui reprochant de ne pas appliquer la législation européenne, dans un communiqué mis en ligne.

Rémy Prud'homme, professeur d'économie à Paris-XII, s'étonne de l'attitude de la Commission, dans une tribune publiée sur Le Monde, fin août. "Il y a en tous cas quelque chose de cocasse à voir la Commission européenne attaquer en justice le pays où le prix de l'électricité est le plus bas d'Europe au motif que ce pays ne respecte pas assez la concurrence-qui-fait-baisser-les-prix." Pour trancher le bras de fer entre le gouvernement et GDF Suez, il faut peut-être commencer par répondre à une question : l'énergie est-elle une marchandise comme les autres ?

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