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Prothèses PIP : Bridget "vit avec une bombe à retardement"

L’un des implants mammaires de Bridget, plaignante au procès d’ex-dirigeants de l'entreprise, a éclaté en 2010, au moment de son retrait. Depuis, elle vit avec du silicone niché dans son épaule droite.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un chirurgien s'apprête à retirer des implants mammaires PIP sur une patiente, en décembre 2011, à Nice (Alpes-Maritimes). (SEBASTIEN NOGIER / AFP)

Les cheveux roux carotte, lissés, retenus par des lunettes de soleil, Bridget* arrive au parc des congrès de Marseille (Bouches-du-Rhône) en jean moulant, perchée sur de hauts talons. Un des bâtiments a été réaménagé en tribunal, pour le premier procès du scandale des implants mammaires frauduleux de la société Poly implant Prothèse (PIP). Bridget avance vers les autres victimes. Plusieurs centaines des quelque 5 000 plaignantes se sont déplacées. La quinquagénaire est stressée. "Etre observée, photographiée, filmée avec toutes ces femmes est une source d'angoisse. On dirait du bétail", confie-t-elle. Pourtant, elle tenait à assister à l'ouverture du procès, mercredi 17 avril. Elle est venue de La Ciotat, à une trentaine de kilomètres de là. Mais l'affluence du premier jour a un effet boomerang. "Je suis rattrapée par mon histoire", souffle-t-elle.

Trois mois à se remettre de l'intervention

Bridget s'est fait poser des implants mammaires "dans un but esthétique". "J'avais envie d'être plus féminine", explique-t-elle. En 2002, elle prend rendez-vous avec un chirurgien esthétique marseillais, qui la convainc de passer à l'acte. "Il m'a pressée, m'a dit qu'il me faisait un bon prix, 4 000 euros, à payer en espèces", raconte-t-elle. Quatre jours plus tard, elle est opérée. C'est la première patiente de la journée. Après elle, treize autres passent au bloc opératoire. "C'était de l'abattage", reconnaît-elle.

De fait, pour Bridget, le carnage commence. Après la pose des implants, elle se retrouve avec un hématome important au bras gauche. Le soir-même, elle est réopérée, et ressort de la clinique le lendemain. Mais, très affaiblie, elle ne peut reprendre son activité de gérante d'un atelier de fabrication de cuisines. Elle est même incapable de manger seule. Elle met trois mois à se remettre de cette opération. Trois mois à l'issue desquels elle a, finalement, une belle poitrine.

Ganglions et fuite de silicone

Bridget reprend une vie normale. Jusqu'en 2009, lorsqu'elle sent un repli sous son sein droit. Des examens médicaux confirment ce constat, sans mentionner de "rupture réelle". Lorsque le scandale des prothèses PIP est médiatisé, en 2010, Bridget s'inquiète. En regardant les images défiler à la télé, elle prend la mesure de ce qui peut lui arriver.

La quinquagénaire décide alors de retourner chez le chirurgien qui l'a opérée huit ans plus tôt. Mais celui-ci dément avoir posé des implants de la marque PIP, et refuse de lui donner son dossier médical. "Vous avez des ganglions et une prothèse qui fuit, il faut les enlever et poser deux nouveaux implants", lui dit-il. Il propose de réaliser l'intervention pour 3 800 euros, à nouveau en espèces. Cette fois, Bridget refuse. Elle consulte un autre chirurgien, qui l'opère mi-novembre 2010.

"Opération boucherie"

La prothèse droite de Bridget éclate pendant l'intervention. “C’était une 'opération boucherie' selon le chirurgien, s'exclame-t-elle. Le silicone s'est répandu dans tout le bloc opératoire. La salle s'est transformée en patinoire." Les complications s'accumulent : à peine l'opération finie, Bridget est victime d'une hémorragie interne. Le chirurgien l'opère une seconde fois, pour ôter le maximum de silicone disséminé dans son corps. "Tout n'a pas été retiré : des bouts de silicone sont encore nichés derrière ma clavicule droite", souligne-t-elle. Bridget passe une semaine à l'hôpital, puis reste alitée pendant près de six mois.

Depuis, cette mère de deux enfants de 18 et 25 ans a pu reprendre une activité professionnelle. Néanmoins, sa vie a changé. "Moi qui suis très sportive, je ne peux plus pratiquer de vélo, par exemple. Je ne peux plus dormir sur le côté. Je dois passer des examens médicaux tous les six mois, au minimum, pour vérifier si je n'ai pas de complications", résume-t-elle, en faisant le bilan de ces deux dernières années. "Les bouts de silicone forment des boules, devenues douloureuses au toucher. Je vis avec une bombe à retardement. Mais je n’ai pas le choix”, ajoute-t-elle, résignée.

"Cette ordure doit payer"

Du procès, Bridget n’attend qu’une chose : "Je veux que Jean-Claude Mas et tous les responsables de cette affaire soient punis. Cette ordure doit payer. Je n’attends pas à tout prix, comme ma voisine dans la salle d’audience, une indemnisation." Elle se dit déçue par le premier jour d’audience, "trop" procédural. "J’ai décroché", avoue-t-elle.

Mais se retrouver parmi d’autres victimes lui a permis de relativiser ses problèmes. "La femme assise devant moi a eu des prothèses PIP parce qu’elle a recouru à une chirurgie reconstructrice après un cancer du sein, raconte-t-elle. Je ne suis pas dans cette situation. Pas encore… ou jamais, peut-être. Je suis positive, j’ai envie d’espérer."

* Le prénom a été changé.

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