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Qu'est-ce que l'effet Streisand?

Quel est le point commun entre Julie GayetLaurent Fabius et la DCRI? L'effet Streisand, ou comment attirer l'attention sur une information en essayant de l'interdire.

Article rédigé par Lorraine Kihl
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Barbra Streisand, le 11 septembre 1995, lors de la cérémonie des Emmy Awards à Pasadena, en Californie (Etats-Unis). (JEFF HAYNES / AFP)

"Nous avons fait cette une non pas sur une rumeur, mais sur un démenti car une rumeur n'est pas une information. Son avocat a pris l'initiative d'appeler Libération pour démentir la rumeur." Sylvain Bourmeau, le directeur adjoint de la rédaction de Libération, défendait lundi sur LCI la une du quotidien, qui annonce "un vent de panique à l'Elysée". En cause : une possible nouvelle affaire de compte en Suisse, qui concerne cette fois-ci Laurent Fabius. Si l'on en croit l'explication alambiquée du journaliste, "l'information" ne serait pas sortie si le ministre des Affaires étrangères n'avait pas commis une bourde en voulant trop couvrir ses arrières. L'effet Streisand a fait une nouvelle victime.

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L'effet Streisand est ce qu'on pourrait appeler l'effet boomerang des tentatives de censure médiatique. Il tire son nom d'une mésaventure arrivée à l'actrice américaine. En 2003, elle intente un procès à un photographe qui a publié sur internet un cliché aérien de sa luxueuse propriété. La photographie fait alors partie d'une série de clichés documentant un projet scientifique sur l'érosion de la côté californienne. Jusque-là limité à une audience confidentielle, le site enregistre dès lors des centaines de milliers de vue, selon The Mercury News (article en anglais). L'effet Streisand est né : attirer la curiosité et susciter la médiatisation d'une information en essayant de l'interdire.

Dernièrement, ce sont les services de renseignements français (DCRI) qui se sont fait prendre au piège, alors qu'ils faisaient pression sur un contributeur de Wikipedia pour supprimer un article dédié à une une station hertzienne militaire dans le Puy-de-Dôme. Pour la DCRI, celui-ci portait atteinte au secret de la défense nationale car il contenait "des informations militaires classées". Non seulement la page, jusque-là peu consultée, a été restaurée, mais elle a depuis été traduite en dix-sept langues. Quelques jours plus tôt, c'est l'actrice Julie Gayet qui, en portant plainte, a mis en lumière la rumeur qui lui prête une liaison avec François Hollande.

Internet contre la censure

Un des cas d'école de l'effet Streisand concerne le footballeur gallois Ryan Giggs. En avril 2011, après le dévoilement par le Sun d'une liaison extra-conjuguale, il obtient des tribunaux britanniques une "super injonction". Cet outil juridique empêche toute personne ou média de faire état de la liaison du joueur, mais aussi de mentionner  l'existence même de l'injonction. Le nom du footballeur circule cependant sur les réseaux sociaux, de sorte que ses avocats réfléchissent à une action ciblée contre Twitter et ses utilisateurs. Tollé dans la presse. Le journal écossais Sunday Herald publie en une le portrait de Ryan Giggs barré de la mention "censuré". Finalement, c'est un homme politique du parti des démocrates libéraux (Lib Dem), John Henning, qui sous couvert de l'immunité dont jouissent les députés lors des sessions parlementaires, balance le nom du footballeur (vidéo en anglais) et interroge ses confrères sur le caractère démocratique des "super injonctions". L'affaire, très débattue dans la presse, met en lumière l'archaïsme de l'arsenal juridique britannique à l'heure d'internet.

Mais l'effet Streisand ne concerne pas seulement des effets secondaires d'une opération de censure maladroitement menée. Lorsqu'en 2010, le site Wikileaks est menacé de fermeture par les autorités américaines, après la publication de milliers de câbles diplomatiques secrets, les internautes se mobilisent. Des dizaines de sites miroirs, qui copient et republient les contenus des serveurs de Wikileaks, sont créés, rendant vaine toute action de fermeture du site. 

"La censure existe sur internet et elle n'est pas seulement le fait de régimes dictatoriaux. Les Etats tendent à avoir de plus en plus recours à des outils juridiques antidémocratiques pour censurer internet, explique Jérémie Zimmermann, militant et cofondateur du site La quadrature du netcomme les "superinjonctions" en Angleterre, les security letters aux Etats-Unis ou la loi Loppsi en France." Après l'affaire Wikileaks en 2010, des sites comme www.streisand.me (qui n'est plus actif en 2013) fondé par les militants de Telecomix, sont même spécialement créés pour que les internautes participent à la protection de sites menacés. "On pense que les contenus une fois publiés ne disparaissent jamais d'internet, mais c'est en partie faux, explique le militant. Dans l'absolu, il faudrait systématiquement copier une information qui nous paraît importante pour pouvoir la republier en cas de suppression." Reporters sans frontières s'est attelé à cette tâche en dupliquant les sites de médias d'opposition menacés de censure dans leur pays. En bonus, un petit tutoriel permet aux internautes de faire de même.

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