Qui est l'ICIJ, le consortium derrière le scandale des paradis fiscaux ?
L'International consortium of investigative journalism est à l'origine des révélations d'Offshore Leaks.
C'est la dernière affaire en date. Le trésorier de campagne de François Hollande, Jean-Jacques Augier, a investi dans un paradis fiscal. Cette fois-ci, le scoop vient d'un mystérieux ICIJ. De quoi s'agit-il exactement ? L'intitulé sonne comme le nom d'une multinationale. Le genre multinational, c'est précisément la cible de l'ICIJ, le Consortium international des journalistes d'investigation.
Sa dernière production est bel et bien planétaire. "La plus grande collaboration journalistique depuis quinze ans que nous existons", écrit le consortium sur son site. "La fuite de deux millions et demi de documents permet de mettre en lumière les secrets de 120 000 compagnies offshore et d'environ 130 000 comptes individuels qui exposent les deals cachés des politiciens", promet l'ICIJ.
86 journalistes dans 46 pays
Bref, ce n'est plus une gorge profonde, mais un véritable canyon d'informations révélées. Histoire de fixer une fois pour toutes l'ordre de grandeur de l'opération, il est stipulé que l'équipe d'enquêteurs comprend 86 journalistes répartis dans 46 pays. Mais d'où vient ce géant de l'investigation ? Justement d'un constat de faiblesse générale. "Nous perdons nos yeux et nos oreilles, précisément au moment où on en a le plus besoin", affirment les reporters de l'ICIJ, qui est basé à Washington.
Autrement dit, à cause de la crise de la presse, l'investigation est de plus en plus considérée comme un luxe trop coûteux, trop risqué. Alors un groupe de journalistes a décidé de s'unir dans une sorte de fondation entièrement consacrée au travail d'enquête. Les fonds viennent des fondations privées caritatives luttant contre la pauvreté ou pour la défense des enfants dans le monde. Lancé en 1997, le consortium compte désormais 160 membres journalistes - parmi les meilleurs dans la discipline - dans 60 pays.
Le journaliste "chien de garde"
Les valeurs qu'il assure défendre sont celles de "l'intégrité publique". Sa pierre angulaire est claire : le journalisme conçu comme "chien de garde" contre la corruption par-delà les frontières. Voilà qui tombe à point nommé en France, à un moment où la corporation journalistique s'interroge sur elle-même. Mais l'argent privé, les fondations et les associations de professionnels de l'information ne font pas partie des mœurs journalistiques françaises.
De fait, ce consortium trouve son origine dans l'histoire même du journalisme américain et de son rapport aux pouvoirs politique et économique. Une origine dont le maître mot n'est autre que "fouille-merde". L'expression - the muckraking - est du président américain Theodore Roosevelt en 1906. Il consacrait ainsi la nécessité pour les livres, magazines ou journaux de mener ce combat contre les "mauvaises pratiques" des politiciens ou businessmen. Condition absolue : que l'attaque soit fondée sur des faits réels.
Les pionniers du "McClure's Magazine"
Une dizaine d'années auparavant, le McClure's Magazine avait démarré ce mouvement des "déterreurs de scandales". Cette revue littéraire et politique devient très vite le lieu d'expression du journalisme d'investigation. Les femmes y jouent un rôle particulièrement important. Ainsi, Ida Tarbell ose s'attaquer au pétrolier John D. Rockefeller.
En réunissant toutes sortes de documents, elle démontre comment le milliardaire naissant détourne les règles de la libre-concurrence et surexploite ses ouvriers. Tarbell jette ainsi les bases d'un journalisme fondé sur la recherche et l'analyse de pièces écrites disponibles dans le domaine public. De même, Nellie Bly inaugure la technique de l'infiltration à la mine ou dans les asiles psychiatriques.
Il s'agissait là encore de dénoncer les mauvais traitements, les injustices, les inégalités criantes. Aujourd'hui, les techniques du métier de fouille-merde sont enseignées dans les universités américaines. Et le Consortium international du journalisme d'investigation affiche sa volonté de pratiquer un "global muckraking". Le numérique y joue un rôle essentiel. Par exemple, le Britannique Duncan Campbell pratique le datajournalisme à l'ICIJ. Ce membre fondateur du consortium a révélé le maillage du réseau américain Echelon, capable d'écouter les télécommunications de toute la planète. Just a small scoop.
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