Qui se cache derrière les classes moyennes ?
Période électorale oblige, elles sont l'objet de toutes les attentions des politiques, de l'extrême droite à la gauche. Portrait d'une catégorie aux contours flous et au poids électoral non négligeable.
Elles sont très sollicitées et cela devrait s'accentuer dans les mois à venir. Mardi 24 janvier à Toulon, François Hollande a appelé les classes moyennes à "faire confiance à la gauche". "La droite vous a déjà trahi", leur a lancé le candidat socialiste.
Auparavant, Nicolas Sarkozy avait accusé François Hollande de s'attaquer à elles, notamment en voulant moduler le quotient familial. Le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche Laurent Wauquiez avait lui évoqué un "assassinat des classes moyennes".
De leurs côtés, François Bayrou et Marine Le Pen multiplient les références à leur adresse. Les classes moyennes sont l'objet de toutes les attentions. Mais que désigne cette étiquette floue ? FTVi en dresse le portrait.
• Ni trop riche, ni trop pauvre, mais en constante mutation
On parle d’elles au pluriel sans réussir à en définir les contours exacts. Les classes moyennes sont en effet le symbole d’une catégorie hétéroclite. De manière générale, elles correspondent à ce que l’Insee nomme "professions intermédiaires". Techniciens, commerçants, cadres B de la fonction publique mais aussi chefs de petites entreprises occupent les rangs de cette catégorie sociale.
Les classes moyennes se situent en réalité dans un "entre-deux", plus pauvres que les catégories les plus aisées et plus riches que les classes modestes. Concrètement, leurs revenus mensuels varient entre 1 163 pour un célibataire et 5 174 euros pour un couple avec deux enfants, selon l'Observatoire des inégalités.
Mais leur position évolue au sein de la société. Alors qu'elles étaient rangées dans le bas des catégories supérieures, "les classes moyennes se sont déportées au centre, devenant un point de bascule", analyse l'économiste Eric Maurin, co-auteur de l’ouvrage Les Nouvelles Classes moyennes (2012, Seuil) avec Dominique Goux. Elles occupent désormais "une place plus large", qui s'explique par "l'accroissement des élites sociales et le déclin des classes populaires".
• La peur du déclassement comme point commun
Si les classes moyennes partagent le désir de s'élever dans la hiérarchie sociale, elles craignent beaucoup le déclassement. Ces ménages "sont prêts à tout pour l'éviter : déménager, prolonger les études des enfants…", constate Eric Maurin sur 20 Minutes.
Et pour ce dernier, "au bout du compte, il n'y a pas déclassement mais il y a une fatigue, un surinvestissement pour maintenir son rang", ajoute-t-il sur France Inter. Preuve en est selon lui que l'accession à la propriété a augmenté au sein de cette catégorie.
La principale préoccupation de ces ménages concerne surtout le futur de leurs enfants, selon le rapport "Les classes moyennes en Europe", publié mercredi 25 janvier par l'Observatoire Cetelem. Selon son responsable Flavien Neuvy, interrogé par RTL, si les classes moyennes "sont satisfaites de leur qualité de vie aujourd'hui (...), elles sont inquiètes pour leurs enfants car elles se demandent si l'ascenseur social sera vrai pour eux."
• Les principales victimes de la crise ?
Cette thèse est reprise par certains sociologues et bon nombre de politiques, à l'instar de Laurent Wauquiez dans son livre La Lutte des classes moyennes. Dans un entretien au magazine Books, le sociologue Louis Chauvel, auteur des Classes moyennes à la dérive (2006, Seuil) n'y va pas de main morte : "Entre la retraite à 60 ans, les 35 heures, le décrochement du salaire net par rapport au vrai coût de la vie, (...) la difficulté croissante à se soigner ou accéder au logement social lorsqu’on n’a pas toute sa semaine pour soi, la figure du travailleur se rapproche de celle du martyr."
Ce sont aussi les conclusions de l'Observatoire Cetelem. Flavien Neuvy indique que, depuis 2005, "le ressenti est négatif". Les raisons ? Un "pouvoir d'achat stagnant" corrélé à une "augmentation des dépenses contraintes [celles concernant le logement, les transports et la santé]." Du coup, les classes moyennes ont le sentiment de devoir rogner sur d'autres dépenses, souvent liées aux loisirs.
• Un enjeu pour la présidentielle
Difficile d'évaluer avec exactitude le poids politique des classes moyennes. La part qu'elles représentent au sein de la société française n'est en effet pas établie : elles correspondraient à 30 % de la population active pour les auteurs Eric Maurin et Dominique Goux ; 50 % selon l'Observatoire des inégalités ; et 70 % pour Laurent Wauquiez.
Mais surtout, "elles représentent (…) un segment indécis et extrêmement disputé de l’électorat", relève Eric Maurin sur Mediapart (article payant). Il n'en faut pas plus pour que ces foyers concentrent les attentions des partis.
Tout l'enjeu pour les politiques sera donc de séduire cette frange très large de la population et faire pencher la balance en leur faveur, avant l'échéance d'avril 2012. Au risque d'en oublier les classes plus modestes ?
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