Enquête "L'Œil du 20 heures" : les dessous de Back Market, le leader de la vente d'appareils reconditionnés

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OEIL DU 20H : BACK MARKET
Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
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France 2
Certains clients témoignent de mauvaises surprises après avoir acheté leur téléphone ou leur tablette sur cette plateforme. Beaucoup ignorent qu'elle n'agit que comme un intermédiaire avec des indépendants.

Le succès des appareils électroniques reconditionnés, c'est-à-dire revendus après avoir été remis à neuf, est grandissant. Mais se tourner vers cette option pour acheter un smartphone, une tablette ou un ordinateur ne fait pas que des heureux. Des associations de consommateurs avaient déjà pointé les pannes trop nombreuses ou certaines pratiques commerciales du site Back Market, le leader du marché en France. "L'Œil du 20 heures" de France 2 s'est penché, jeudi 1er février, sur les méthodes de cette plateforme, qui fait quelques déçus parmi ses clients.

C’est le cas de Nancy Thomas, qui a commandé pour la troisième fois son téléphone par l'intermédiaire du site. "Le téléphone passait des appels tout seul ou ouvrait des applications, fonctionnait tout seul", affirme-t-elle. Elle décide alors "d’utiliser la garantie d’un an que propose Back Market via le service client."

Commencent alors de longs mois d'échange avec le service client du site. D’après Nancy Thomas, le portable était intact avant de l'expédier. Mais elle est accusée, photo à l’appui, d’avoir renvoyé un portable à l’écran endommagé, ce qu’elle conteste : "Moi, ce que je vois, c’est que quelqu'un a fait un trou à l’endroit d’une fissure imaginaire pour l’exclure volontairement de la garantie." Après un dépôt de plainte pour escroquerie, elle a finalement été remboursée.

Un simple intermédiaire avec des vendeurs

Avec ce litige, Nancy Thomas a découvert que Back Market n’est, légalement, pas responsable, et que son téléphone provient en réalité d'un revendeur tiers référencé sur la plateforme. 

C’est le mode de fonctionnement de Back Market : la plateforme ne reconditionne pas elle-même les appareils, mais n’est qu’un intermédiaire entre les consommateurs et 1 700 réparateurs à travers le monde. Pour être référencés sur le site, les vendeurs payent un abonnement ainsi qu’une commission sur chacune de leurs ventes. En retour, Back Market fait une promesse :

"Grâce à notre processus de vérification rigoureux (...) seuls les meilleurs reconditionneurs peuvent vendre sur notre site."

Back Market

sur son site

Cette cliente n’est pas la seule à se plaindre de certains revendeurs. Sur les réseaux sociaux, des centaines de consommateurs mécontents racontent leurs mésaventures avec d’autres marchands : une femme, par exemple, affirme avoir reçu une pierre à la place d’un portable. Un homme dit que le chargeur fourni avec sa tablette a pris feu la première fois qu'il l'a branché. 

Pour éviter ce genre de désagréments, Back Market commande chaque mois une centaine de produits sur son propre site. Mais ces contrôles sont-ils suffisants ?  Les informations fournies aux consommateurs sont-elles toujours transparentes ? L’adresse officielle de certains marchands interpelle. Six revendeurs disponibles sur Back Market sont ainsi domiciliés dans le même bureau du même immeuble à Chypre, un pays connu pour sa fiscalité avantageuse. Le reconditionnement n’est pas fait sur l'île, mais en Chine. En début d’année, cette information n’était pas accessible au consommateur sur le site. Depuis, Back Market dit avoir rectifié le tir et fait désormais apparaître la mention "pays d’origine".


“Nous avons pris l'initiative de renforcer l'information fournie sur nos pages produits. En plus de l'adresse légale du vendeur, (...) nous affichons également le pays d'origine du vendeur".

Back Market

à "l'Œil du 20 heures"

Une concurrence internationale

D’après Back Market, 38% des marchands référencés sont français, a l'image de Largo, une entreprise créée en 2016 près de Nantes, fière de montrer la batterie de tests qu'elle fait subir à chaque appareil. Elle a vu arriver d’un mauvais œil une nouvelle concurrence étrangère sur Back Market. "La concurrence déloyale, elle est dans la qualité des produits et dans les prix qui sont pratiqués", dénonce son fondateur, Christophe Brunot. "Par exemple, il peut y avoir une disparité de prix de l’ordre de 30 à 50% d’écart de prix entre la batterie de plus basse qualité et celle un peu plus haute."

Sur le site, le même modèle, en parfait état, est proposé à 899 euros par le marchand français et à 762 euros par un revendeur chinois. Back Market réfute l'idée d'une concurrence déloyale :

"Le reconditionnement est un enjeu à l’échelle du globe, c’est dans ce contexte qu’il est nécessaire d’avoir une offre globale."

Back Market

à "l'Œil du 20 heures"

Mais sur le site, tous les produits sont-ils mis en avant de la même façon ? L’algorithme de Back Market, dont le mode de calcul n’est pas connu, est accusé par certains reconditionneurs, qui préfèrent reste anonymes, de favoriser les offres les moins chères au détriment de la qualité. "C’est vraiment très opaque, juge l'un d'eux. Ça, c'est la petite popote de Back Market. En gros, on peut être très mauvais en qualité et quand même être le premier à vendre si l'on vend pas cher." Back Market conteste cette affirmation, et assure que son algorithme met en avant les reconditionneurs répondant au meilleur rapport qualité-prix.

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