Vidéo Dans certaines vignes de Champagne, 80 euros et une assiette de riz pour quatorze heures de travail par jour

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Durée de la vidéo : 5 min
Dans certaines vignes de Champagne, 80 euros et une assiette de riz pour quatorze heures de travail par jour
Dans certaines vignes de Champagne, 80 euros et une assiette de riz pour quatorze heures de travail par jour Dans certaines vignes de Champagne, 80 euros et une assiette de riz pour quatorze heures de travail par jour (COMPLÉMENT D'ENQUÊTE / FRANCE 2)
Article rédigé par France 2
France Télévisions
Le raisin de certaines de nos bouteilles de champagne serait-il récolté par des victimes de traite d’êtres humains ? Ces deux travailleurs saisonniers ont été embauchés l’an dernier pour vendanger une parcelle dans le vignoble champenois. Ils témoignent dans "Complément d'enquête" de conditions dignes de l’esclavage.

Ils pensaient avoir trouvé un "bon plan", malgré le travail pénible et la chaleur accablante... Avec plus de 80 autres travailleurs précaires, ils étaient venus de la région parisienne pour vendanger une parcelle dans le vignoble champenois. Ces deux saisonniers étrangers racontent dans "Complément d'enquête", jeudi 26 septembre, des conditions proches de l'esclavage. Ils étaient payés 80 euros par jour, non déclarés, pour remplir 200 paniers de raisin, selon eux. Soit des journées de plus de 14 heures, sans pause, la plupart du temps sous un soleil de plomb.

Revenir ici, "ça nous rappelle l'enfer"

L'unique repas de la journée (les saisonniers ont fait une vidéo avec un téléphone) se prenait debout, autour des tables de camping qui se trouvent encore devant le hangar où ils logeaient. Au menu, une gamelle de riz à se partager… en tout et pour tout.

L'hébergement fourni par l'employeur était situé dans le village voisin du vignoble. Et quel hébergement… Aujourd'hui, revenir sur les lieux avec les journalistes leur rappelle "l’enfer, franchement". Dans le fouillis nauséabond du hangar qui servait de dortoir à plus de 50 vendangeurs, il reste des vestiges de leur passage. Un des matelas gonflables sur lesquels ils dormaient, et les douches de fortune, bricolées avec des bâches… et dangereuses : à l'intérieur de l'une d'elles, des câbles électriques dénudés. Les toilettes, sans porte, sont répugnantes. 

Une main-d'œuvre fournie par des sous-traitants

Les critères d’un logement saisonnier, fixés par le Code rural, sont stricts : au moins 7 mètres carrés par travailleur, au minimum un lavabo pour trois et un WC pour six. Comme la plupart des viticulteurs n’ont pas les moyens d’assumer ces contraintes, ils payent des sous-traitants pour leur fournir la main-d'œuvre et la prendre en charge.

"Chaque matin entre 5 heures et 6 heures", ces prestataires venaient chercher les vendangeurs, qu'ils embarquaient dans trois fourgonnettes dépourvues de climatisation. Sur les photos que les saisonniers ont prises durant leurs trajets, on les voit entassés comme du bétail dans des camionnettes aveugles.

"Comment se fait-il que vous disiez à des gens 'Venez, on a du travail' [et puis] vous nous embarquez, vous nous amenez comme ça ? On dirait des animaux…"

Un vendangeur saisonnier,

dans "Complément d'enquête"

Les saisonniers ont aussi filmé une scène tendue quand, au bout d'une semaine de ce régime, plusieurs vendangeurs demandent à toucher leur salaire pour rentrer chez eux. Mais leur patronne et son mari, un couple originaire du Kazakhstan, refusent tout net de payer ceux qui partiraient avant la fin des vendanges... Dès le lendemain, alertées par les voisins, l’inspection du travail et la préfecture interviennent, et ordonnent la fermeture administrative du logement.

Une enquête ouverte pour traite d'êtres humains

Une enquête pour traite d'êtres humains a été ouverte par le parquet de Châlons-en-Champagne, qui devra établir les responsabilités dans cette affaire. Quelles sont celles, par exemple, du propriétaire de la parcelle ? Identifié et questionné par les journalistes, il se défausse sur les prestataires… Quant aux employeurs directs des vendangeurs, le couple kazakh, il a refusé de parler à "Complément d'enquête". Ils devraient être jugés pour traite d'êtres humains en mars 2025.

Extrait de "Exploités et maltraités : qui sont les nouveaux esclaves ?", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 26 septembre 2024.

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