: Vidéo Du faux champagne à base de vin bas de gamme et de gaz carbonique : une salariée raconte une fraude à l’échelle industrielle
Il exporte dans 40 pays, et il a conquis les linéaires de supermarchés de toute la France avec ses champagnes premier prix. Son chiffre d'affaires annuel dépasse les 10 millions d'euros. Didier Chopin est aujourd'hui accusé par plusieurs de ses salariés d'avoir vendu aux géants de la grande distribution du faux champagne à base de vin bas de gamme et de gaz carbonique. Le patron crie au mensonge, mais ses salariés affirment détenir des preuves. Ludivine Jeanmingin, l'une des cadres de l'entreprise à l’époque, a décidé de parler à visage découvert, écœurée par ce qu'elle aurait vu. Elle témoigne dans cet extrait de "Complément d'enquête".
Ludivine a été embauchée il y a deux ans et demi comme responsable d'une nouvelle usine à Billy-sur-Aisne (aujourd'hui fermée), à une cinquantaine de kilomètres de la zone d'appellation champagne. Didier Chopin se lance alors dans le business des boissons apéritives. Mais ses produits, parmi lesquels un mousseux bon marché à base de vin pétillant et de gaz carbonique, se vendent mal... et la production de champagne est elle aussi en difficulté.
Des fournitures pour champagne hors de la zone d'appellation
Nous sommes alors au printemps 2022. Au sortir de l'épidémie de Covid, le monde a soif de champagne, et les cours des vins explosent. Didier Chopin, qui en achète en gros (ses 8 hectares de vigne ne peuvent couvrir qu'une petite partie de sa production), commence à avoir du mal à s'en procurer. Et s'il n'honore pas les commandes de la grande distribution (près d'un million de bouteilles de champagne par an), il s'expose à des pénalités qui peuvent se chiffrer en centaines de milliers d'euros.
A la même période, le patron aurait pourtant contacté Ludivine sur le site de Billy-sur-Aisne pour lui faire part d'une bonne nouvelle : une commande de 800 000 bouteilles, à produire avant le mois d'octobre. "Là, c'était l'euphorie", se souvient celle-ci. Une euphorie qui retombe vite, lorsqu'elle découvre, à la chaîne de production, des cartons qui n'ont rien à faire là... remplis de bouchons de liège destinés à des bouteilles de champagne. "Je n'ai pas le droit d'avoir ça dans la société, explique-t-elle. Les bouchons liège 'grand vin de Champagne', c'est uniquement pour l'appellation champagne, il y a un périmètre défini, et je ne suis pas dans le périmètre." A la bouchonneuse, elle dit avoir trouvé des muselets (le fil de fer préformé qui entoure les bouchons de champagne) dont la capsule porte l'inscription "grand vin de Champagne"... "Là, raconte-t-elle, je dis 'On fait du faux champagne'".
La chaîne de production filmée par les salariés
Ludivine affirme être allée voir son patron, qui pour toute réaction aurait quitté la pièce. Comme elle, les autres employés assurent avoir été placés devant le fait accompli. Sommés de lancer la production, ils se sont mis à la filmer. Dans son ordinateur, Ludivine conserve une vidéo de la chaîne de production du faux champagne, des photos des bouchons et des muselets, des factures… les traces d'une fraude à l'échelle industrielle, selon elle.
Sur la vidéo, les bouteilles qui défilent sur la chaîne sont de couleur verte, au lieu des habituelles bouteilles transparentes utilisées pour ses apéritifs pétillants, mais elles contiendraient toujours du mousseux. Témoin, selon elle, une facture qui concerne deux camions-citernes de vin blanc, acheté à une coopérative espagnole à 80 centimes le litre (presque quinze fois moins cher que le vin de négoce champenois). Elle est datée du 20 juin 2022, une période où, d'après Ludivine, l'usine ne fabriquerait "plus du tout de vin pétillant", uniquement du faux champagne.
Les salariés ont fait leurs calculs. Au rythme de 8 000 unités par jour pendant quasiment dix mois, l'usine aurait produit selon eux près d'un million et demi de bouteilles de vin blanc mélangées avec du CO2, et cachetées avec des bouchons de champagne.
Extrait de "Bordeaux, champagne : quand les escrocs s’attaquent à nos bouteilles !", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 14 décembre 2023.
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