: Vidéos Soupçons de financement libyen de la campagne 2007 : un cabinet noir à l'œuvre pour "Sauver Sarko" ? Témoignages exclusifs dans "Complément d'enquête"
Affaires Bismuth, Bygmalion, présumé financement libyen de la campagne de 2007… ce dernier dossier, peut-être le plus sensible de ceux qui concernent Nicolas Sarkozy, est notamment étayé par les accusations d'un intermédiaire franco-libanais, Ziad Takieddine. Mais en novembre 2020, celui-ci se rétracte dans les médias.
Un coup de théâtre après onze ans d'enquête tentaculaire, alors que treize personnes, dont l'ancien président, sont sur le point d'être jugées. Cette volte-face aurait-elle été téléguidée ? Des documents, des auditions et des écoutes téléphoniques semblent mettre au jour un cabinet noir, à la manœuvre pour tenter de blanchir publiquement Nicolas Sarkozy. Ziad Takieddine est ensuite revenu à ses accusations initiales. Il affirme qu'un marché lui aurait été proposé. Cette rétractation aurait-elle été montée de toutes pièces pour voler au secours de l'ancien président ? Et si oui, à quel prix ?
Après des mois de tractations, certains des mis en examen dans ce dossier ont accepté de livrer à "Complément d'enquête" leur témoignage, et de dévoiler leur version de ce qu’ils appellent l’opération "Sauver Sarko".
Mimi Marchand, "la reine des paparazzi"
Ce petit groupe, que l'ex-président a qualifié devant un juge de "bande de pieds nickelés", se composerait d'une dizaine de personnes : une vieille connaissance de "Complément d'enquête", la "reine des paparazzi" Mimi Marchand ; une relation de Nicolas Sarkozy, l'homme d'affaires millionnaire David Layani ; un richissime marchand de biens aujourd'hui décédé, Pierre Reynaud… mais aussi deux hommes connus de la justice pour diverses escroqueries : le scénariste Thomas NLend, et surtout Noël Dubus, aventurier tendance barbouze fiché par la DGSE.
Un homme-orchestre tendance barbouze
Libre sous contrôle judiciaire dans le cadre de sa mise en examen pour subornation de témoin, celui qui serait l'homme-orchestre de cet imbroglio a livré à "Complément d'enquête" ses confidences sur l'organisation de l'opération. A sa demande, son visage reste dans l'ombre.
C'est à l'été 2020 que Noël Dubus aurait été approché par"des gens qui voulaient savoir si Ziad était capable, moyennant une somme d'argent, de revenir sur sa déposition initiale". A ses dires, Ziad Takieddine, en grande difficulté financière, aurait accepté. Ensuite, Noël Dubus aurait rencontré Michèle dite "Mimi" Marchand, patronne d'une agence de photographes et proche de Carla Bruni, l'épouse de l'ancien président, par l'intermédiaire du scénariste Thomas NLend. Celui-ci la dit alléchée par la perspective d'un scoop.
22 octobre 2020 : décollage pour Beyrouth
Le 22 octobre 2020, le top départ est donné par Noël Dubus et Michèle Marchand : décollage immédiat et en première classe pour Beyrouth, où Ziad Takieddine s'est réfugié après sa condamnation dans l'affaire Karachi. L'interview choc sera réalisée par un journaliste de Paris Match que Mimi Marchand embarque avec elle. Suivra une séance photo et vidéo, avec un photographe qu'elle a choisi.
Thomas NLend dit avoir suivi en temps réel le déroulement des opérations depuis Paris : "Je sais globalement ce qui se passe. Je sais que l'interview se passe bien, et qu'ils ont ce qu'ils veulent. (...) Il va dire textuellement : 'Je n'ai pas donné d'argent, ni directement ni indirectement, à Nicolas Sarkozy'." Selon Ziad Takieddine, "4 millions, 5 millions" lui auraient été proposés pour ce revirement. D'où serait venu cet argent ?
Une rétractation qui vaut des millions ?
Pierre Reynaud, l'un des financiers présumés de l'opération "Sauver Sarko", a accepté de livrer au magazine une interview exclusive – quelques mois avant d'être emporté par un cancer. Contrairement à ce qu'affirment Ziad Takieddine et Noël Dubus, il nie avoir proposé plusieurs millions d'euros pour ce revirement. Ce personnage à la Audiard se vantait un peu partout d'être un intime de Nicolas Sarkozy… mais a affirmé à "Complément d'enquête" qu'il ne le connaissait pas.
Nom de code "Zébulon"
Les policiers ont découvert que pendant toute l'opération "Sauver Sarko", Mimi Marchand, Noël Dubus et les autres évoquaient fréquemment l'ancien président dans leur échanges de SMS, mais sans jamais citer son nom. "Ils l'appelaient Zébulon (du nom d'un "personnage de dessin animé un peu énergique"), révèle Thomas NLend, ou encore "Inès", un prénom dont la sonorité est proche de "NS", les initiales de Nicolas Sarkozy.
Ainsi ce texto envoyé à Mimi Marchand : "Rassurez Zébulon que tout va bien et que maintenant que les fonds sont là, c'est beaucoup plus facile." Nicolas Sarkozy était-il au courant de ce qui se tramait ? C'est l'une des questions au cœur de cette enquête.
Quand le scoop fait "pschitt"... la contre-attaque
La petite bande était persuadée que l'interview allait faire bouger les lignes chez les juges, mais rien ne s'est passé comme prévu : le scoop a fait "pschitt", la majorité des médias considérant qu'il n'a aucune valeur juridique.
Deux mois après cette offensive médiatique ratée, Noël Dubus lance alors une contre-attaque – juridique, cette fois. A Beyrouth, il organise une "sommation interpellative". Il s'agit d'acter devant un notaire les déclarations de Ziad Takieddine pour les envoyer aux juges parisiens. Selon lui, les questions de cette nouvelle interview auraient même été validées par l'avocat de Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog (qui n'a pas répondu aux sollicitations de "Complément d'enquête"). Le coût de ce second voyage au Liban, 72 000 euros, aurait été assumé par un nouveau "financier", l'homme d'affaires millionnaire David Layani, qui réfute ces accusations.
Ce fiasco coûte à l'ancien chef de l'Etat deux nouvelles mises en examen, pour "recel de subornation de témoin" et "association de malfaiteurs"... Nicolas Sarkozy a toujours contesté tout financement illégal de sa campagne 2007 et a fait savoir à "Complément d’enquête", par la voix de son avocat, être "totalement étranger à l’organisation du reportage incriminé".
Vidéos extraites de "Opération 'Sauver Sarko' : les coulisses d'un fiasco", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 11 avril 2024.
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