Syrie : "En 2013, si nous avions frappé comme il convenait, la face de la guerre eût été changée", analyse Bernard Kouchner
L'ex-ministre des Affaires étrangères, invité jeudi de franceinfo, a estimé qu'en réplique à l'attaque chimique du 7 avril, "il y aura une frappe", pour signifier qu'"on n'a pas le droit d'utiliser cette arme".
Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et européennes de 2007 à 2010, a estimé, jeudi sur franceinfo, que la réplique en Syrie, à laquelle réfléchissent les Etats-Unis et la France, après une possible attaque chimique le 7 avril dernier, près de Damas, est inéluctable et souhaitable. "Il faut qu'on le fasse, ça n'est pas possible autrement, ou alors ça veut dire que tout le monde aura la possibilité d'utiliser des armes chimiques dans le monde entier", a-t-il déclaré.
Bernard Kouchner a ajouté que "nous regrettons tous terriblement" l'absence de réponse aux premières attaques chimiques en Syrie en 2013 par François Hollande et Barack Obama. "Cela a fait 300.000 morts ou 200.000 morts de plus." "C'est quand même extraordinaire que nous n'ayons pas réagi avant devant un nombre de morts considérable dans un pays qui nous concernait quand même, parce que la Syrie, le Liban, tout ça, nous y sommes mêlés", a-t-il précisé.
"Après avoir fait ce tintamarre en réplique à l'attaque chimique, je pense qu'il y aura une frappe, dit le cofondateur de Médecins Sans Frontières et de Médecins du Monde, à propos de la menace du président américain. Elle servira à signifier au nom du droit international – c'est quand même une résolution que la Syrie elle-même a signé – qu'on n'a pas le droit d'utiliser l'arme chimique." Mais un temps de réflexion lui semble nécessaire. "Réfléchir [à] comment, avec qui, parce qu'il y a aussi probablement l'Arabie saoudite, ce qui serait très important, si elle vient avec les Occidentaux pour prouver que ce n'est pas une opération antimusulmane, et puis peut-être d'autres pays. Je crois que les Britanniques se joindront à nous", a poursuivi Bernard Kouchner.
Le président syrien : "un fauve"
Bernard Kouchner a décrit Bachar al-Assad comme un homme qui peut devenir "une espèce de fauve". "C'est un homme très déconcertant. Il n'a pas l'air méchant. Il a l'air plutôt doux. N'oubliez pas que c'était un médecin ophtalmologiste", a-t-il déclaré à propos du président syrien, qu'il a rencontré plusieurs fois, lorsqu'il était ministre des Affaires étrangères. "Mais tout d'un coup il se mettait en colère, et l'homme doux et relativement policé devenait une espèce de fauve", poursuit-il en rappelant une conversation en 2010, lorsque Damas était soupçonné de donner des armes aux Hamas.
"C'est quand même une dynastie de salopards. C'est même un mot assez doux. Pourquoi un tel acharnement dans la diablerie ?", a questionné le cofondateur de Médecins Sans Frontières. "Pourquoi Bachar al-Assad a déversé - probablement - des produits chimiques dans cette petite municipalité de Douma alors qu'il avait [déjà] gagné [la guerre contre les rebelles] ? Ça prouve une cruauté et une espèce de sadisme invraisemblable", a-t-il jugé.
Par ailleurs, Bernard Kouchner a estimé que "sans Vladimir Poutine, Bachar al-Assad aurait perdu" la guerre en Syrie. La France et les Occidentaux ne doivent pas "se dérober", a-t-il redit. "C'est parce que nous nous sommes dérobés en 2013 que Vladimir Poutine a pris une partie de l'Ukraine et la Crimée. Ce n'est pas un doux agneau. Là, il a l'air gentil Monsieur Poutine, mais lui aussi c'est un dur", a affirmé Bernard Kouchner.
Interrogé sur la mise en garde du numéro deux de l'ambassade russe en France, à propos de militaires russes, présents en Syrie, Bernard Kouchner, a répondu sèchement : "Bien sûr qu'il y a un risque" [pour les militaires russes] Mais enfin, il croyait qu'ils faisaient la guerre ou il croyait qu'ils faisaient une partie de billard ?"
Regardez l'intégralité de l'entretien de Bernard Kouchner, jeudi 12 avril, sur franceinfo.
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