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"Les Sources" de Marie-Hélène Lafon aux éditions Buchet-Chastel

Encore des centaines de romans et livres à découvrir en cette rentrée littéraire de janvier 2023. Gilbert Chevalier a choisi "Les Sources" de Marie-Hélène Lafon, un récit dense et étouffant sur la vie d'une femme et sur la violence de son mari, dans une ferme des années 60, isolée de tous, dans la vallée de la Santoire. 

Article rédigé par Gilbert Chevalier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
La sélection de livres de poche sortis cet automne par Gilbert Chevalier. (DANIEL GRIZELJ / DIGITAL VISION / GETTY IMAGES)

Les Sources de Marie-Hélène Lafon, aux éditions Buchet-Chastel, c'est le coup de coeur de Gilbert Chevalier pour cette nouvelle rentrée littéraire.

Marie-Hélène Lafon nous plonge au début des années 60 dans la vie d'une famille d'agriculteurs dans le Cantal, une mère, son mari, leurs trois enfants. Le clan vit dans une belle ferme avec des employés, un tracteur, une voiture et toutes sortes de choses encore souvent inaccessibles dans la France rurale de cette époque.

Et c'est d'abord la vie de la mère qui intéresse Marie-Hélène Lafon. Et c'est à travers elle et ses pensées que l'on découvre la vie de cette famille, et de ses secrets, dont l'extrême violence du mari. Après des années de mariage sous ce régime, cette femme est vite abîmée, on l'imagine. Elle fait ce qu'elle peut pour cacher les bleus, les traces. On se tait par honte, par convention sociale, dans cette France rurale. On ressent l'enfermement, le piège qui s'est refermée sur elle, après son mariage.

Des pages absolument étouffantes, dures

Et pourtant, l'auteur ne nous décrit jamais directement les coups ou les accès de violence du père. C'est le piège qui se referme sur cette femme qui est au cœur des préoccupations de Marie-Hélène Lafon. Cette femme est aussi abîmée par les accouchements, à chaque fois des césariennes qui lui ont laissé, dit-elle, de grosses cicatrices boursouflées sur son ventre. Une femme abîmée par la transformation de son corps, grossi comme pour construire, dit-elle, une carapace pour amortir les coups du mari.

Et la vie de cette femme devient de plus en plus insupportable dans la peur permanente de cet homme. Et elle s'interroge : Pourquoi rester ? Pourquoi s'enfuir ? Qu'adviendra-t-il de la ferme, du cheptel, de l'avenir des enfants ? Je vous rassure, elle va partir, et on plonge alors dans une autre facette de ce récit. Et c'est ça qui est intelligent dans ce roman de Marie-Hélène Lafon. On plonge dans le point de vue du mari quitté et ensuite divorcé, droit dans ses bottes, rigide, accaparé par la survie de la ferme. La seule chose qu'il respecte et qui l'anime.

Les liens familiaux sont loin, et on finira le roman par une courte intervention de la fille aînée qui revient dans la cour de la ferme, 40 ans plus tard. Il ne reste rien ou presque de cette vie familiale, sinon quelques souvenirs fugitifs. L'histoire est terminée, et c'est incroyable.

Marie-Hélène Lafon nous propose une grande saga familiale, en 120 pages, d'une incroyable concision. Un grand roman percutant également sur la condition féminine d'avant 1068. Une histoire rurale des années 60 qui nous entraîne encore sur les terres du Cantal que connaît bien Marie-Hélène Lafon. Elle vit et travaille là-bas, et la plupart de ses romans s'y déroulent, notamment Histoire du fils, qui avait reçu le prix Renaudot en 2020. 

Les Sources de Marie-Hélène Lafon, aux éditions Buchet-Chastel.

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