Introspections et souvenirs avec Fabrice Neaud et Charles Berberian
Ambitieux et copieux. Dans les années 1990, le Journal de Fabrice Neaud, découpé en quatre volumes, court sur près de 800 pages. L’auteur s’y présente sans fard, décrit avec précision sa petite vie d’artiste au chômage à Angoulême, évoque ses désirs de jeune homosexuel frustré, livre ses réflexions philosophiques. Tout cela est décortiqué dans des planches où le dessinateur s’épingle comme il le ferait d’un insecte. Et obtient un prix au festival d’Angoulême.<
25 plus tard…
Fabrice Neaud revient pour un second cycle, qui s’annonce au moins aussi vaste que le précédent. Le premier volet de sa nouvelle tétralogie, intitulée Le denier Sergent, ressasse sur quelque 420 pages ce qu'il a vécu, et souvent déjà raconté dans son Journal, il y a un quart de siècle. Le temps a fait son œuvre, le dessinateur se regarde avec distance, mais la mise à nu reste totale. À 54 ans, Fabrice Neaud est toujours un écorché vif, son propos oscille entre cri de rage et sentiment d’abandon.
Sa technique graphique est virtuose. Dans ses portraits ciselés, tout en hachures et dégradés de gris, Neaud parvient à faire comprendre ce qu’il éprouve pour un garçon à la nuque épaisse et aux bras musclés.
Le premier volume du Dernier sergent a pour titre Les Guerres immobiles, aux éditions Delcourt.
Dans Beyrouth avec le grand et le petit Charles
On n’attendait pas vraiment Charles Berberian dans cet exercice. Berberian, c’est habituellement l’observateur amusé du Paris bobo, et le compagnon de route de quelques personnalités de la nouvelle chanson française. Or, voilà qu’à son tour, il se met en scène pour raconter Une éducation orientale.
Berberian est né à Bagdad, en 1959. Il a surtout passé une partie de son enfance à Beyrouth, entre un grand frère taquin qui l’initie au cinéma américain et à la pop musique, et une grand-mère aimante qui le couve. Des souvenirs qu’il met en scène en se promenant aujourd’hui dans la capitale libanaise, retrouvant les odeurs et les images d’autrefois, se rappelant les émotions ressenties, quand le pays a basculé dans la guerre civile en 1975.
La mise en scène est subtile, les planches sont joliment composées. À chaque époque, sa couleur. Hier, avant-hier, aujourd’hui : les aquarelles s’invitent au milieu des dessins à la plume. Le pinceau passe par là, et les transparences de bleu nimbent ce travail de mémoire.
Une éducation orientale, aux éditions Casterman.
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