La peinture en miroir

Luz et Otto Mueller, Birmant et Oubrerie avec Dali : la BD regarde la peinture qui regarde l'histoire de son temps.
Article rédigé par Jean-Christophe Ogier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
La peinture, les yeux dans les yeux (LUZ, ALBIN MICHEL / CLEMENT OUBRERIE, DARGAUD)

Une fois n’est pas coutume, commençons par la conclusion : Deux filles nues de Luz est un livre totalement maîtrisé, d’une intelligence aiguë, une très grande  bande dessinée. Luz – malheureusement pour lui et pour ses amis assassinés dans le massacre de Charlie-Hebdo – sait le prix du regard des hommes sur les images. Eh bien, dans ce livre, c’est une image qui regarde l’histoire.

Parlons peinture...

Cette image est un tableau, qui existe vraiment, peint en 1919 par l’artiste allemand Otto Mueller. Le titre vous dit ce qu’il représente, Deux filles nues, mais jamais nous ne les verrons. Car, nous sommes le tableau, nous sommes à leur place, et nous regardons l’histoire en marche : dans les années 1920 et 1930, en Allemagne, avec la montée du nazisme, la spoliation des juifs et le détour par la sinistre exposition, voulue par Hitler sur l’art dégénéré.

Le tableau regarde celles et ceux qui l’admirent, l’achètent, le volent, le critiquent, le trimbalent. Il voit d’autres tableaux partir en fumée dans les bûchers que l’ordre nouveau allume pour imposer ses vues. Malade, le peintre Otto Mueller meurt en 1930. Rescapé de ces temps atroces, le tableau verra, lui, plus tard les foules qui déambulent dans les galeries et les musées, inconscientes du poids du passé.

À la limite de la caricature, le dessin de Luz capte la vérité des visages, le dégoût des bourreaux, l’humanité des victimes. Du grand art !

Deux filles nues, aux éditions Albin Michel

Autre époque, autre peintre...

Il y a dix ans, Julie Birmant et Clément Oubrerie bouclaient le quatrième album de leur évocation de Picasso, sobrement intitulé Pablo, gros succès public et critique. Le duo s’attaque maintenant à cet autre monument de la peinture qu’est Salvador Dali. Après l’enfance et l’adolescence d’un garçon perturbé, le présent ouvrage est centré sur la figure de Gala, la femme de Paul Eluard, que celle-ci va quitter pour partager la folie amoureuse et créatrice de Dali.

D’allers-retours entre Paris et Cadaquès, le village de pêcheurs de la Costa Brava où le surréaliste adepte de la paranoïa critique passera la plus grande partie de sa vie, la mise en scène de ce chapitre puise avec jubilation dans le corpus affolant des images oniriques du maître catalan.

Dali, tome 2, aux éditions Dargaud.

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