États-Unis : des arbres génétiquement modifiés pour absorber davantage de CO2
Une start-up de la région de San Francisco, Living Carbon, a conçu des arbres génétiquement modifiés qui absorbent plus de CO2 que les autres. Sur le papier, l'idée était simple : faire pousser ces arbres plus vite les rend plus actifs dans la lutte contre l'augmentation du CO2 dans l'atmosphère. Puis la petite société a levé 35 millions de dollars pour faire de son idée une réalité.
Une étude de la revue Forests estime que ces peupliers génétiquement modifiés ont poussé, en quatre mois, 53% plus vite qu’un peuplier naturel. Elle a mesuré qu’ils absorbent ainsi 27% de CO2 de plus. Pour s'adapter aux différents paysages, Living Carbon développe des peupliers génétiquement modifiés mais également des pins.
Une idée venue du fond des temps
L’idée est venue à l’un des créateurs, le biologiste Patrick Mellor, d’une théorie sur le refroidissement progressif de la Terre, il y a 50 millions d’années. Ce refroidissement aurait été lié à la présence massive de fougères aquatiques absorbant le carbone de l’atmosphère. Alors le but est de sauver la planète, mais aussi de gagner de l’argent, grâce aux compensations carbone, en échange de la séquestration du CO2.
En 2023, après des années d’expérience en laboratoire, Living Carbon a planté des centaines d’arbres en Géorgie, dans le sud des États-Unis puis dans l’Ohio, au Nord-Est, sur une ancienne mine. Au début de l’année 2024, la start-up en était à 170 000 arbres plantés, même si 8 900 seulement sont les versions génétiquement modifiées.
Pour arriver à ces résultats, la photosynthèse est renforcée par de la manipulation génétique. Living Carbon a ajouté deux gènes d’autres espèces, une algue notamment, et modifié un gène de son propre peuplier. La modification génétique n’a évidemment rien d’inédit en biologie mais comme souvent, la différence vient des modifications adoptées. D’ailleurs, la start-up s’est appuyée sur les travaux de chercheurs de l’université de l’Illinois qui ont réussi à optimiser le phénomène de photo-respiration, pendant lequel on observe une sorte de gâchis de CO2 chez certaines plantes.
Quel impact sur une implantation en milieu naturel ?
Avant de proclamer le monde sauvé, deux problèmes se posent avec Living Carbon. Il y a toujours le passage du laboratoire au monde réel à observer. Est-ce que les arbres seront aussi efficaces pour capter le CO2 dans la nature ? Est-ce qu’ils résisteront à l’environnement qui les entoure ? Quel impact auront-ils eux-mêmes sur la forêt où ils ont été plantés ? Le groupe Genetic Literacy Project, un média scientifique, rappelle que les peupliers plantés en Géorgie ne sont pas natifs de la région et qu’une croissance accélérée peut affaiblir la plante.
Autre contrainte récurrente : même si ces "super" arbres ne sont pas destinés à la consommation humaine comme des fruits ou des légumes, on parle tout de même d’organismes génétiquement modifiés. La prudence s’impose. Des experts trouvent que Living Carbon manque de transparence dans la publication de ses résultats : la start-up indique bien sur son site Internet ce qu’il se passe dans ses essais en laboratoire mais donne moins de détails sur les évolutions dans le monde réel.
Si les critiques de Living Carbon lui reprochent de vouloir aller trop vite, la start-up répond qu’il y a urgence, urgence climatique en l’occurrence. Et Maddie Hall, la patronne de Living Carbon, assure par ailleurs qu’elle ne compte pas devenir le "Monsanto des arbres", en référence au géant controversé de l’agro-industrie.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.