C'est dans ma tête. Accroissement du nombre des addictions chez les 14-24 ans
Une enquête récente sur le rapport des jeunes de 14 à 24 ans à l’alcool, au tabac, aux réseaux sociaux, aux jeux vidéo et à la pornographie, montre un accroissement inquiétant du nombre des addictions.
Alcool, tabac, cannabis, cocaïne, excatsy ou GHB, mais aussi jeux vidéo et jeux d'argent, réseaux sociaux, utilisation des écrans, pornographie, une récente enquête confirme que les jeunes de 14 à 24 ans sont sujets à de nombreuses addictions. Une situation inquiétante qui serait sous-évaluée par les parents et qui pose une vraie question de santé publique, pour les mineurs notamment.
Comment pensez-vous que l’on puisse expliquer l'augmentation de ces addictions ?
Chacune des addictions que vous évoquez à propos des jeunes, pose des problèmes particuliers. Mais elles ont toutes un point commun, qui est le rapport de ces jeunes aux limites. Et je crois qu’il serait important d’y réfléchir.
L’addiction est le symptôme de quelqu’un qui, par rapport à une chose ou à une autre, ne parvient pas - ou plus - à se mettre, à lui-même, des limites. Et le problème est évidemment de savoir pourquoi. Or la capacité à se mettre, à soi-même, des limites se construit - on le sait - dans l’enfance.
Et l’enfant ne peut l’acquérir que si ses parents l’éduquent. Sans leur éducation, il n’a en effet - et c’est normal - pour guide que son plaisir : manger du chocolat étant agréable, pourquoi ne mangerait-il pas la tablette entière …et même deux, si c’est possible ? Tous les parents connaissent ce problème.
Quel est le rôle de l'intervention des parents ?
Il est double. Ils vont d’abord expliquer à l’enfant que manger toute la tablette de chocolat n’est pas possible, parce que cela le rendrait malade (ce que l’enfant ignore). Et surtout ils vont, si néanmoins il insiste, tenir bon, c’est à dire lui imposer de prendre cette limite au sérieux, et de la respecter.
Ils vont donc, en intervenant régulièrement de cette façon dans tous les domaines de la vie quotidienne, permettre à l’enfant de comprendre, peu à peu, que ces limites, qu’il ressent comme désagréables, ont un sens : elles le protègent.
Mais ils vont aussi, en lui interdisant l’excès, l’aider à trouver (là aussi, peu à peu) du plaisir autrement que dans l’excès : engloutir sans limites des aliments, ne permet pas de les savourer. Toutes les personnes qui souffrent de boulimie, le savent.
Et que se passe-t-il si les parents n’interviennent pas ?
L’enfant reste l’otage de ses pulsions et de ses envies parce que, faute d’intervention parentale, il n’a pas de point d’appui pour résister. Il entre donc dans un fonctionnement fondé sur le "toujours plus", qui le met en danger et qui, de plus, ne le rend pas heureux. Parce que, comme il passe très vite du "toujours plus" au "jamais assez", il se sent en permanence frustré. Parce qu’il n’apprend pas à se maîtriser et que cela lui retire de la force et de l’estime de lui-même :
Être maître de soi rend fier de soi
Claude Halmos
Et parce que, son refus des limites tendant à se généraliser, l'enfant a des problèmes dans la vie sociale. Problèmes qui sont invalidants, et qui peuvent de surcroît le mener à se réfugier, pour fuir la vie réelle, dans le virtuel.
Quels conseils donneriez-vous aux parents ?
Je crois qu’il faudrait qu’ils réfléchissent, parce que nous sommes aujourd’hui confrontés à un paradoxe. Les parents - et toute la société - s’inquiètent, de plus en plus, des problèmes qu’ont les jeunes avec les limites : les addictions, les incivilités etc…
Mais parallèlement, ils acceptent des théories éducatives qui, en pervertissant le concept de "bienveillance", leur expliquent que l’autorité serait par essence une violence ; qu’interdire fermement relèverait de la maltraitance, et que le Bien suprême serait de permettre à l’enfant de négocier en permanence toutes les limites. Il y a là, pour le moins, une contradiction. Et elle rend impossible la prévention.
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