C'est dans ma tête. Acquittement après le viol d’une adolescente de 14 ans
Le 17 mars, la Cour d’Assises des Hauts-de-Seine a acquitté sept garçons (6, de 15 à 17 ans et un de 20 ans) accusés d’avoir violé une adolescente de 14 ans. Il y aura un procès en appel après ce verdict d'acquittement.
Ce verdict d'acquittement après un viol en réunion d'une mineure a provoqué beaucoup d’émotion et a suscité des réactions jusqu’aux États-Unis.
Comment peut-on expliquer que la justice ait pris une telle décision ?
Les jeunes gens accusés ont expliqué que, la jeune fille n’ayant manifesté aucun refus, ils estimaient qu’elle était consentante. Et les jurés les ont crus.
Pourquoi les ont-ils crus ? Cela semble tout à fait étonnant, même au niveau du simple bon sens, que l’on puisse croire une histoire pareille. Une adolescente de 14 ans se retrouve seule chez elle avec 7 garçons plus âgés, dont l’un a 20 ans (c’est à dire qu’il est, pour elle, un adulte), et elle serait d’accord pour que ces 7 garçons aient des relations sexuelles avec elle ?
Pour que ce soit éventuellement possible, il faudrait imaginer une sorte de scénario érotique, façon film pornographique, que cette jeune fille aurait, en accord avec ces garçons, organisé. Or, même à supposer qu’elle soit d’une exceptionnelle précocité en matière de sexualité, une telle organisation, à 14 ans, est tout à fait impensable.
Une situation traumatique et paralysante
Une femme, dans une telle situation, peut ne pas être capable de s’opposer à ce qui se passe, parce qu’elle est dans une situation traumatique, c’est-à-dire sous terreur et tétanisée. Comme dans ces cauchemars, où l’on voudrait crier et fuir mais où l’on ne peut pas parce que le corps est paralysé. Et on sait que cela se passe souvent de cette façon, pour les victimes de viol. Parce qu’elles sont comme un animal pris au piège, par un agresseur face auquel elle se sentent impuissantes et dont elles pensent qu’il peut les tuer.
Mais elles peuvent aussi, sous l’emprise de cette peur, mettre en place, inconsciemment, une sorte de scénario de survie qui les fait agir comme des robots, en donnant l’impression qu’elles sont là alors qu’elles sont en fait totalement absentes. Et en plus, dans le cas de cette jeune fille, il faut tenir compte de ce qu’elle avait subi avant auparavant.
Une jeune fille déjà abusée par son père
Cette jeune fille a été, à l’âge de 12 ans, abusée par son père, qui a été condamné (et qui a fait appel de sa condamnation). On peut donc penser que, en plus de la terreur qu’elle a vécue, comme toutes les femmes violées, pendant ces viols, elle s’est retrouvée replongée – au moins inconsciemment – dans ces scènes où son père, deux ans plus tôt, l’utilisait comme un objet sexuel. Et où elle était totalement impuissante : que peut faire une enfant de 12 ans, qui n’a personne pour la défendre, face à un homme adulte qui en plus est son père ? Elle ne peut que se soumettre.
Et on sait que le pire, c’est qu’elle se sentira toujours coupable, ensuite, de cette soumission. Ce qui est terrible dans ce verdict des Assises des Hauts-de-Seine (qui montre à quel point on méconnait, aujourd’hui encore, ce qu’est un viol) c’est que, en ratifiant l’idée qu’elle était consentante, il ne peut que valider la culpabilité de cette jeune fille. Et à ce titre on peut dire que l’émotion et la révolte qu’il a suscitées sont parfaitement légitimes.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.