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C'est dans ma tête. Changer de métier

On sait aujourd’hui que 37% des demandeurs d’emploi qui retrouvent un travail sont obligés, pour y arriver, de changer soit de domaine professionnel soit même de métier. La psychanalyste Claude Halmos revient aujourd'hui sur les difficultés psychologiques que ces situations peuvent engendrer.

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
La mobilité professionnelle est souvent une rupture avec une partie de soi-même.
 (PETE SALOUTOS / BLEND IMAGES)

Ce sont des difficultés importantes dont on parle rarement

Et dont on ignore même, la plupart du temps, l’existence. Pour quelles raisons ? D’abord parce que la société n’a pas intérêt à ce qu’on les connaisse. C’est vrai pour la mobilité professionnelle mais c’est vrai aussi, plus globalement, pour le chômage, l’appauvrissement et tous les problèmes liés à la situation économique.

On ne peut pas cacher les conséquences matérielles de cette situation, mais on fait en sorte de cacher ses conséquences psychologiques. Et on le fait d’autant plus facilement que les "psys", qui sont en première ligne pour entendre ces souffrances et qui devraient donc être en première ligne pour les faire connaître, n’en parlent quasiment jamais.

Quels sont les problèmes psychologiques liés à la mobilité professionnelle ?

La mobilité professionnelle (c’est à dire l’obligation de changer de secteur d’activité ou de métier), est d’autant plus difficile à vivre pour les demandeurs d’emploi qu’ils l’affrontent alors qu’ils sont déjà particulièrement fragilisés.

Ils ont été fragilisés par leur licenciement (qui est toujours une épreuve très lourde) et par le chômage qui génère des angoisses mais aussi de la culpabilité (on s’accuse de ne pas mieux "s’en sortir") et même une honte de soi qui est très destructrice. Et, alors qu’ils sont aussi fragilisés, on leur demande de changer d’activité. C’est à dire, ni plus ni moins, de rompre avec une partie d’eux-mêmes.

Pourquoi parler de rupture avec soi-même ?

Parce qu’on ne change pas de métier comme on change de voiture ou de supermarché. Un métier c’est quelque chose que l’on a choisi, un jour, en fonction d’un désir. On a dû faire des études ou une formation, pour pouvoir l’exercer. Et, en l’exerçant, on s’est enraciné dans ce métier. Un métier c’est le socle de l’identité sociale d’une personne et la colonne vertébrale de son être social. Donc devoir renoncer à tout cela, c’est devoir renoncer à des coordonnées très importantes de soi-même. On peut se sentir perdu, désorienté. Et de surcroit méprisé, voire nié par le système qui vous impose cela. Et c’est d’autant plus grave que, je l’ai dit, cette souffrance n’est pas reconnue et que l’on n’en parle pas.

Ça change quoi, que l’on n’en parle pas ?

Cela change beaucoup de choses. Sur le plan personnel, parce que quand une souffrance est reconnue par la société, celui qui l’éprouve peut se sentir soutenu et donc un peu moins seul. Et sur le plan politique. Parce que cette négation de leur souffrance est ressentie, à juste titre, par les intéressés, comme une violence.

Et cela fait sans aucun doute partie des facteurs qui poussent toute une partie d’entre eux, pour manifester leur colère, vers des votes extrêmes.

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