C'est dans ma tête. Grève des urgences : la détresse des soignants
C'est une évidence pour tous : les urgences de nombreux hôpitaux dans notre pays sont en grande souffrance. Le gouvernement vient de débloquer une enveloppe de 70 millions d'euros pour soulager ces personnels. La psychanalyste Claude Halmos évoque aujourd'hui la "détresse" et même le "désespoir" de ces soignants.
La ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, a annoncé, le déblocage ce vendredi 14 juin, d'une enveloppe de 70 millions d'euros de mesures immédiates pour soulager les personnels des urgences hospitalières.
Les personnels des services des urgences de nombreux hôpitaux sont en grève depuis plusieurs mois, pour dénoncer leurs conditions de travail. Et l'on a entendu parler, à propos de cette grève, de "détresse", et même de "désespoir" des soignants. La dimension psychologique de leurs difficultés est donc prise en compte. La psychanalyste Claude Halmos décrypte aujourd'hui cette dimension.
franceinfo : qu'entend-on par cette "dimension psychologique" chez ces personnels ?
Claude Halmos : Les difficultés de leurs vies professionnelles peuvent porter atteinte au psychisme des salariés, tout autant qu’à leur corps, je le rappelle ici, souvent. Mais certains professionnels sont, du fait de la spécificité de leur travail, plus vulnérables encore, sur le plan psychologique, que les autres.
C’est le cas des soignants ?
C’est le cas des soignants parce que, devenir soignant, c’est choisir de travailler dans un champ qui est celui de la maladie ; avec le désir de guérir les patients ou, du moins de les soulager. Et, comme ce désir prend souvent racine, qu’il en soit ou non conscient, au plus profond de l’histoire personnelle de chaque soignant, la profondeur de cet ancrage fait qu’il peut, si on l’empêche de faire correctement son travail, en être profondément déstabilisé.
Les difficultés d’un service sont donc, pour les soignants particulièrement difficiles à vivre ?
Bien sûr. Parce que ces difficultés leur font éprouver des angoisses qui sont liées à la réalité du fonctionnement du service, qui peut mettre les patients en danger ; mais aussi à la façon dont cette réalité met en cause, pour chacun d’eux, le sens même de son travail.
Ne pas pouvoir, par manque de personnel, et parce que l’on est épuisé et débordé, accorder suffisamment de temps et d’attention aux patients, les voir souffrir des heures sur des brancards ; ou se voir contraint de les "trier" pour ne pas risquer de laisser passer une urgence vitale, est insupportable.
Et, même si l’on sait que l’on n’est pas responsable de ce qui se passe, générateur de culpabilité. Une culpabilité d’autant plus difficile à vivre que les patients, qui ne supportent pas la situation, s’en prennent souvent aux soignants, en les en rendant responsables.
Et il est difficile pour eux de se mettre en grève ?
Bien sûr. L’implication qu’ils ont dans leur travail, explique que, dans de nombreux hôpitaux ils aient tenu à continuer à travailler, tout en se déclarant, par un brassard, en grève. Et permet de comprendre, d’une part, que ceux qui ont fini par se mettre en arrêt de maladie, l’ont fait parce que la dégradation de la situation les y a forcés.
Et d’autre part qu’en parlant de maladie, ils ne mentent pas, quoique l’on ait pu en dire. Parce que ce qu’on les oblige à vivre, et qui est physiquement épuisant a, de surcroît, toutes les raisons de les rendre, sur la plan psychologique, malades, et même très malades.
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