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C'est dans ma tête. Le recours à l’orthophonie

En cette fin d'année scolaire, beaucoup de parents et de professionnels constatent que de plus en plus d'enfants, sont aujourd'hui envoyés en orthophonie et souffrent de difficultés d'apprentissage.

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Cabinet d'orthophoniste pour les troubles du langage. (MAXPPP)

L’année scolaire se termine et cette période est traditionnellement celle des bilans. Cela conduit beaucoup de parents et de professionnels à constater que de plus en plus d’enfants, qui présentent des difficultés d’apprentissage, sont aujourd’hui envoyés en orthophonie, et à s’en inquiéter. La psychanalyste Claude Halmos décrypte aujourd'hui le pourquoi de ce recours de plus en plus fréquent à l'orthophonie. 

Comment expliquer un recours aussi important à l’orthophonie ?

Il est dû, je crois, à une méconnaissance de la nature et de la complexité des difficultés d’apprentissage. 

À quoi peut être due une difficulté d’apprentissage de la lecture ou de l’écriture ?

Elle peut avoir deux types de causes. Elle peut être due à un apprentissage initial qui a été mauvais, du fait d’une méthode qui était soit mauvaise, soit inadaptée à l’enfant. Ou parce qu’il a été fait à un moment où l’enfant n’était pas prêt, ou trop préoccupé par autre chose (un événement douloureux, par exemple). Mais une difficulté d’apprentissage peut être aussi, pour un enfant, un moyen d’exprimer une souffrance psychologique plus globale.  

Qui peut être liée à quoi ?  

Elle peut être liée à son histoire familiale : des secrets sur son identité par exemple. Ou à des peurs : de faire souffrir, en réussissant, une sœur ou un frère moins performants que lui, ou de dépasser ses parents. Un enfant de parents illettrés peut bloquer ses capacités d’apprentissage parce qu’il a peur de les trahir, en accédant à ce à quoi ils n’ont pas eu accès.

Mais la souffrance psychologique peut être liée également à l’éducation. Les enfants qui, à 5 ou 6 ans, ne sont pas autonomes dans la vie quotidienne, et ceux à qui l’on refuse un savoir sur la sexualité, présentent souvent des difficultés.

De même que ceux à qui leurs parents ne mettent jamais de limites. Parce que l’écriture et la lecture sont fondées sur un ensemble de limites : B et A cela fait BA, et cela ne peut pas faire BE. Un enfant qui ne respecte aucune limite dans la vie, ne peut pas respecter celle-là.    

Est-ce que l’orthophonie peut résoudre cela ?

Si la difficulté est due à un mauvais apprentissage, l’orthophonie peut la résoudre, et dans des délais tout à fait raisonnables. Mais, si elle est l’expression d’un problème psychologique, il faut, pour que l’enfant retrouve la capacité d’apprendre, que ce problème soit préalablement repéré et soigné. Il faudrait donc que, avant toute prescription d’orthophonie, des entretiens avec l’enfant et ses parents soient faits, par un "psy", pour comprendre de quoi il s’agit.  

Et si cela n’est pas fait ?  

Cela donne, malheureusement, des rééducations qui, quelle que soit la qualité de l’orthophoniste, s’éternisent et souvent même échouent. Avec des enfants qui finissent, comme leurs parents, par penser qu’ils sont malades, alors qu’ils ne le sont en aucune façon. Ce sont des pratiques auxquelles il serait urgent de réfléchir.    

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