C'est dans ma tête. Retrait de l'autorité parentale aux coinjoints violents ?
La secrétaire d'État auprès du Premier ministre, Marlène Schiappa, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, vient de proposer que l'autorité parentale soit automatiquement suspendue pour les auteurs de "féminicides". La psychanalyste Claude Halmos décrypte cette proposition ministérielle.
Les associations féministes demandent, depuis longtemps, que l’autorité parentale soit retirée aux conjoints violents. Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, vient de proposer que l'autorité parentale soit automatiquement suspendue pour les auteurs de "féminicides". Avec la psychanalyste Claude Halmos, nous revenons aujourd'hui sur cette proposition, qui suscite de nombreux débats.
franceinfo : Pensez-vous qu’une telle mesure puisse être utile aux enfants ?
Claude Halmos : Les critiques, faites à cette proposition, ont porté d’une part sur l’idée qu’une mesure "automatique" mettrait en cause la présomption d’innocence, et la possibilité, pour les juges, d’apprécier, au cas par cas, les situations. Et d’autre part sur la crainte qu’il s’agisse plus de punir les pères, que de protéger les enfants.
Cette seconde critique vous semble-t-elle justifiée ?
Je pense que le débat est faussé par le fait que, notre époque ne tenant plus compte de la spécificité de ce que vit un enfant, et de ce dont il a besoin pour se construire, on en est réduit à invoquer, pour justifier le retrait de l’autorité parentale, une notion vague, et qui relève de la morale : celle de "bon père". Alors que, si l’on s’appuie sur ce que montrent les thérapies, c’est-à-dire sur ce que vit un enfant, quand il voit sa mère violentée par son père, on se rend compte des ravages que cela fait, toujours, dans son psychisme.
Vous pouvez nous expliquer ces ravages sur le psychisme de l'enfant ?
La violence entre ses parents prend l’enfant en otage. Elle fait naître en lui des angoisses si perturbantes qu’il va, comme dans un pays en guerre, de traumatisme en traumatisme. Et doit donc, pour survivre, utiliser une énergie et une intelligence qu’il ne peut plus employer pour acquérir des connaissances, nouer des relations... Il ne comprend pas la situation, et peut aussi bien s’en croire la cause, que se sentir coupable de ne pas protéger sa mère.
Et la violence hypothèque aussi sa construction, parce qu’un enfant prend toujours pour modèles ceux qui l’entourent. Il peut donc s’identifier soit à sa mère, victime, soit à son père. Et, le voyant prendre du plaisir dans la violence, s’orienter dans la même direction.
Cela justifie donc le retrait de l’autorité parentale ?
Le Code civil définit l’autorité parentale comme "l’ensemble des droits et des devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant" ; et il est clair qu’un père, quand il frappe sa mère, va à l’encontre de l’intérêt de leur enfant. Mais le problème est que c’est loin d’être le seul cas où un parent nuit à son enfant.
Les pères, ou les mères qui maltraitent le leur, par exemple, le font aussi. Or, ils gardent en général non seulement leurs droits, mais l’enfant lui-même, parce que notre société le considère toujours comme leur propriété.
Donc le retrait, au cas par cas, de l’autorité parentale aux pères violents peut avoir du sens. À condition qu’il soit expliqué à l’enfant, pour qu’il ne l’interprète pas faussement, ce qui pourrait lui nuire. Et à condition que la même mesure devienne possible, aussi, pour tout parent qui compromettrait, par ses agissements, la vie, et l’avenir de son enfant.
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