C'est dans ma tête. Se protéger et protéger ses enfants de l'horreur
L'assassinat de l'enseignant Samuel Paty devant son école, le 16 octobre dernier, nous a plongés dans l'horreur, une horreur d'autant plus insupportable qu'en frappant un professeur, elle frappait aussi les enfants et les adolescents. Comment faire face ? L'éclairage de la psychanalyste Claude Halmos.
Il y a une semaine, alors que nous nous débattions déjà, dans nos têtes, avec les angoisses liées à la pandémie, et aux annonces de couvre-feu, nous apprenions la mort, particulièrement atroce, d’un professeur assassiné, à la sortie de son collège, à cause du contenu de l’un de ses cours. Et nous avons tous été submergés par l’horreur. Et submergés d’autant plus que cette horreur, frappant un enseignant, frappait les enfants et les adolescents.
franceinfo : Comment, face à une telle horreur, les adultes que nous sommes peuvent-ils se protéger, et protéger les enfants ?
Claude Halmos, psychanalyste : Ce que nous devons affronter là, relève véritablement de l’insupportable. Et pourtant il va nous falloir le supporter, et le supporter de façon civilisée, c’est-à-dire sans céder aux sirènes de la haine. Ce qui serait un problème non seulement pour la démocratie, mais pour notre propre reconstruction.
Vous pouvez nous expliquer cela ?
L’horreur de cet assassinat tient au fait qu’il nous projette, hors de la civilisation, dans un monde de cauchemar, totalement déshumanisé. L’acte accompli par l’assassin est d’une barbarie effroyable, et ce qui le motive ne relève pas de la pensée, mais du pulsionnel, et de la haine. Face à cela, on peut être dans la peur, dans un total abattement, ou au contraire, dans une colère immense et légitime, mais qu’il faut utiliser à bon escient.
Répondre à la haine par la haine (sur le mode "œil pour œil, dent pour dent") est une impasse, parce que l’on reste dans l’inhumain, et que l’inhumain est toujours destructeur. Il faut, pour nous restaurer dans notre humanité, et sortir de l’horreur, fabriquer de "l’humain".
De quelle façon ?
Par la parole et la pensée, qui sont le propre de l’humain. C’est-à-dire en travaillant, comme l’enseignait Samuel Paty, à comprendre, pour le combattre, ce qui sous-tend de tels actes. C’est d’autant plus important que les terroristes savent très bien nous piéger dans les images : ce n’est pas pour rien que l’assassin de l’enseignant a immédiatement posté la photo de son cadavre sur les réseaux.
L’image accroît l’horreur à cause de ce qu’elle montre, mais aussi parce qu’elle a le pouvoir de rendre captif celui qui la regarde, qui ne peut plus, dès lors, l’oublier. Comprendre le processus qui a abouti à une image, c’est le moyen d’aller au-delà de cette image, de la démonter comme n’importe quel mécanisme, et de s’en détacher.
Comment aider les enfants ?
Les enfants ont besoin, pour pouvoir faire sortir d’eux, en la partageant avec d’autres, l’angoisse qui les habite, qu’on leur permette de s’exprimer, et qu’on les écoute. Ils ont besoin qu’on les informe des faits (dont la réalité, même si elle est atroce et terrifiante, l’est toujours moins que ce qu’ils imaginent) et qu’on les leur explique. Ils ont besoin d’être entourés et accompagnés par des parents, et des enseignants, dont la présence et les paroles leur permettent de construire un rempart entre l’horreur et eux.
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