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C'est dans ma tête. Signaler les enfants maltraités

Un plan interministériel de lutte contre les violences faites aux enfants a été lancé, mercredi, par la Ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des Femmes, Laurence Rossignol.

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
La ministre Laurence Rossignol a présenté mercredi 1er mars son plan de lutte contre les violences faites aux enfants. (Photo d'illustration.) (PIERRE HECKLER / MAXPPP)

Pourquoi tant de gens, qui pourraient signaler des cas de maltraitance, ne le font-ils pas ? C'est la question à laquelle la psychanalyste Claude Halmos répond aujourd'hui. 

Pourquoi ce silence sur la maltraitance ? 

Je crois qu’il y a un grand nombre de raisons. Mais la principale est que, même si l’on sait, consciemment, que la maltraitance existe, profondément, on ne veut pas le savoir. D’abord, parce que c’est horrible et qu’aucun d’entre nous n’a envie de se dire que des choses horribles peuvent se passer à côté de chez lui, ou à l’étage en dessous. C’est trop angoissant.

Ensuite parce que l’idée de la maltraitance remet en cause, très profondément, l’image que notre société a des parents. Nous vivons encore dans l’idée que tous les parents aiment forcément leurs enfants. La maltraitance apporte la preuve que c’est faux. Et c’est insupportable.

La troisième raison est que les parents maltraitants, quand ils sont pervers, savent parfaitement dissimuler leur vrai visage et tromper leur entourage. Et de ce fait brouiller les pistes.

Et puis la quatrième raison est que faire un signalement est, psychologiquement, plus difficile qu’on ne le croit.

Difficile de faire un signalement pour plusieurs raisons

Parce que, pour s’autoriser à signaler un enfant maltraité, il faut d’abord exorciser le fantôme de la délation et de la dénonciation. C’est à dire comprendre qu’il ne s’agit pas de cela. Ensuite il faut remettre en cause l’idée, très partagée, que l’on n’aurait pas à s’occuper de ce qui se passe chez les voisins. Et surtout il faut refuser l’idée que les enfants sont la propriété de leurs parents. Et que ces parents ont le droit de les traiter comme ils l’entendent.

Et une fois que l’on a réglé tout cela dans sa tête, il faut aussi affronter l’idée, très angoissante, que l’on n’est pas infaillible, que l’on peut se tromper, mal interpréter les choses etc…

En fait, signaler un enfant maltraité, que l’on soit un voisin de la famille ou un médecin (ou un "psy") qui le reçoit, cela demande beaucoup de courage et on ne le dit pas assez.

Pourtant le signalement permet qu’un enfant soit protégé

Le signalement est la condition sine qua non pour qu’il le soit : si personne ne signale qu’un enfant est maltraité, il continuera à l’être.  Mais - et cela non plus, on ne le dit pas - le signalement ne règle pas tout. Car on se heurte ensuite, pour protéger l’enfant, à la question de la preuve.  

Dans le cas des enfants battus, c’est plus facile parce que les coups laissent des marques. Mais, dans le cas des abus sexuels, c’est beaucoup plus difficile. Parce que les abuseurs peuvent très bien se débrouiller pour qu’il n’y ait pas de traces sur le corps de l’enfant. Il ne reste donc que la parole de cet enfant. Or elle est souvent mise en cause, et les enfants petits, de toute façon, ne parlent quasiment jamais.

Qu’est-ce qui pourrait aider les gens à signaler un enfant maltraité ?

Je crois qu’il faudrait qu’ils puissent se représenter ce qu’il vit. Un enfant maltraité vit la même chose qu’un adulte qui est livré, dans une dictature, à des tortionnaires. C’est à dire une douleur et une terreur impensables. Et tellement inhumaines qu’elles détruisent non seulement son corps mais sa tête. Et qu’elles la détruisent au présent et pour l’avenir : il faut une vie entière pour se remettre - si l’on s’en remet - de la maltraitance.

Si l’on comprend cela, on comprend que l’on ne peut pas laisser un enfant se faire maltraiter, à côté de soi, sans intervenir.

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