C'est dans ma tête. Victimes non indemnisées des inondations

Cela peut-il avoir des conséquences psychologiques ?

Cela a toujours des conséquences et même des conséquences très graves.Une personne qui a été victime des inondations est toujours, même si elle était auparavant très solide, dans une très grande fragilité psychologique.

Parce que, comme toute personne qui a vécu une situation violente, soudaine, et dans laquelle elle a pensé qu’elle pouvait mourir, elle a subi un traumatisme. Et ce traumatisme est d’autant plus important que si, elle n’a pas perdu la vie, elle a perdu des choses qui étaient essentielles à sa vie.  Elle a perdu sa maison. C’est à dire un lieu qui était pour elle une sorte de "contenant", dans lequel elle pouvait se retrouver.

Elle a perdu des objets familiers qui étaient aussi, pour elle, des repères, et dont une partie étaient des souvenirs qui la rattachaient à son passé. Et elle a souvent perdu, en plus, ses papiers d’identité. Donc elle a perdu presque tout et, en tout cas, l’essentiel.

Les indemnités peuvent-elles compenser cette perte ?

Non. Parce que ce que la personne sinistrée a perdu est irremplaçable pour elle. Mais c’est justement parce que ce qu’elle a perdu est irremplaçable qu’elle a besoin de ces indemnités. Parce que perdre, d’un seul coup, des choses que rien ne pourra remplacer c’est se retrouver face à un vide. Un vide avec lequel il va falloir réussir à vivre. Et, pour pouvoir se reconstruire, malgré ce vide qui touche à des avoirs essentiels, il faut pouvoir être soutenu dans son être, c’est à dire dans sa personne. Et c’est là que les indemnités interviennent.

De quelle façon les indemnités interviennent-elles ?

Quand la société, par l’intermédiaire de différents organismes, accorde des indemnités à une personne sinistrée, c’est comme si elle lui disait : "Même si tu as tout perdu, tu existes, tu comptes et tu as une valeur. On reconnaît le dommage que tu as subi et, comme on est solidaires avec toi, on te donne des indemnités."

Les indemnités ne sont pas seulement, pour les sinistrés, une aide matérielle. Elles sont un point d’appui pour leur reconstruction psychologique. Parce qu’elles les rassurent sur la valeur de leur personne, en même temps qu’elles les aident à s’accrocher au présent et à l’avenir.

Donc si ces indemnités n’arrivent pas ou si elles tardent trop à arriver, les sinistrés sont renvoyés à un sentiment de déchéance et d’abandon, qui redouble les pertes qu’ils ont déjà subies, et qui est donc très destructeur.