Élection présidentielle et Omicron
De l'influence de la crise sanitaire, en particulier depuis l'arrivée d'Omicron, sur notre comportement par rapport à la prochaine élection présidentielle. Une élection, souligne la psychanalyste Claude Halmos, qui implique de se projeter dans l'avenir pour faire un choix. La crise sanitaire brouille les cartes.
On a beaucoup parlé de l’influence de la pandémie sur le moral, et même sur la santé mentale des Français, qui souffrent de tous les problèmes, et de toutes les angoisses qu’elle leur impose. Or, l’élection présidentielle va avoir lieu bientôt.
franceinfo : Est-ce que l’état particulier dans lequel se trouvent les Français actuellement, peut avoir une influence sur leur attitude par rapport à ce vote ?
Claude Halmos : La conjonction de la pandémie et de cette élection place les Français dans une situation difficile parce qu’elle les confronte, sur le plan psychologique, à des exigences contradictoires.
Une élection, surtout aussi importante qu’une élection présidentielle implique, pour faire un choix, de se projeter dans un avenir. Or, l’idée de l’avenir était très présente au début de la pandémie : l’imaginer rapidement meilleur nous a certainement permis, lors du premier confinement, de tenir.
Mais depuis, et surtout depuis l’arrivée d’Omicron, il est devenu si incertain que beaucoup de gens évitent d’y penser. Voter suppose aussi de s’appuyer sur des valeurs auxquelles on croit. Or, le Covid a entraîné, à ce niveau, un grand bouleversement. Des valeurs essentielles (la médecine, la science) ont été remises en cause (de façon minoritaire mais néanmoins, très bruyante).
Mais surtout la proximité de la mort, à laquelle le Covid nous a confrontés, a modifié le rapport à la vie de nombreux Français. Beaucoup veulent désormais vivre autrement, et mieux ; ils sont en recherche. Et quand tout bouge de cette façon, faire des choix de société n’est pas facile.
Est-ce que les attentes par rapport à un président ont changé ?
Un Président est une sorte de figure tutélaire, parentale, dont on attend qu’elle soit capable de diriger, de rassurer, de protéger. Or, là encore, la pandémie brouille les cartes, parce que le désarroi des Français et leur sentiment de fragilité sont tels qu’ils décuplent – au moins inconsciemment – leurs attentes, et leur rend difficile de croire un candidat capable d’y répondre. Et cela risque d’entraîner un sentiment de "à quoi bon ?" qui serait dangereux sur tous les plans.
Quels seraient les dangers ?
Le doute généralisé peut aggraver le désintérêt pour l’élection, et donc l’abstention. Ce qui serait grave pour la démocratie, mais aussi pour la santé psychologique des Français.
Tenir, psychologiquement, dans une situation aussi éprouvante qu’une pandémie, suppose de chasser de sa tête les "à quoi bon ?", le pessimisme, la nostalgie, qui font perdre des forces ; et de s’emparer de ce qui reste possible, pour essayer de le vivre au mieux.
Et, de ce point de vue, les actions auxquelles nous pouvons participer, dans la société, sont des points d’appui parce qu’elles nous maintiennent dans l’idée d’un au-delà de la pandémie, d’une vie qui continue.
Et nous prouvent à nous-mêmes que nous gardons un pouvoir d’agir sur les choses. S’investir, malgré le Covid dans ces élections, et voter c’est, d’une certaine façon, faire le pari de la vie. Et c’est, psychologiquement, un pari gagnant.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.