L’entreprise doit-elle être plus démocratique (et si oui, comment) ?

Défiance vis-à-vis des institutions, hausse de l’abstention aux élections, radicalisation du débat public, alors que la démocratie politique est fragilisée, les salariés attendent-ils plus de démocratie dans l’entreprise ?
Article rédigé par Sarah Lemoine
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Deux tiers des salariés pensent que l’entreprise pourrait aller plus loin en matière de démocratie, selon un sondage de l’institut Bona Fidé. (Illustration) (MASKOT / DIGITAL VISION / GETTY IMAGES)

La démocratie en entreprise, c'est une question étudiée par les instituts de sondage, à une époque où la défiance vis-à-vis du monde politique, la hausse de l'abstention aux élections sont au cœur des questions de notre société. Décryptage avec Sarah Lemoine.

franceinfo : Alors que la démocratie politique est fragilisée, les salariés attendent-ils plus de démocratie dans l’entreprise ?

Sarah Lemoine : La réponse est oui, clairement, d’après le sondage réalisé par l’institut Bona Fidé pour le cabinet de conseil en ressources humaines Arthur Hunt, auprès de 1000 salariés du privé. On ne part pas de zéro : 61% des sondés jugent déjà leur entreprise "assez démocratique" ou "très démocratique".

Une majorité se sent autorisée à exercer son esprit critique, par exemple, ou à discuter ou contredire les décisions de son manager. Mais il y a aussi des frustrations. Une moitié se sent infantilisée par sa hiérarchie, ou affirme agir, parfois, contre ses valeurs. Au final, deux tiers des salariés pensent que l’entreprise pourrait aller plus loin en matière de démocratie.

Ce serait quoi, concrètement, une entreprise plus démocratique ?

Ce qui prime, pour la majorité des sondés, c’est que les salariés soient consultés plus directement et régulièrement sur les questions liées à l’organisation et au temps de travail, principalement via des référendums. Ensuite, c’est partager les bénéfices, élire des représentants du personnel et respecter la RSE. Ce qui est intéressant, c’est que le partage du pouvoir, à voix égales, entre dirigeants et salariés et la participation au capital sont cités en dernier.

"Ils ne veulent pas être patrons à la place du patron, ce n’est pas un enjeu de pouvoir, analyse Samuel Jequier, le directeur général adjoint de Bona Fidé. Les salariés veulent avant tout être écoutés et associés, sur les sujets qui concernent leurs conditions de vie. C’est ne pas subir, dit-il, des décisions unilatérales sur le télétravail ou l’aménagement des bureaux, sans être consultés".

À noter que la proposition de faire élire le chef d’équipe par ses collaborateurs remporte un franc succès, sauf chez une minorité de cadres.

Une entreprise plus démocratique doit-elle aussi être plus politique ?

Pas vraiment. Près de 6 salariés sur 10 jugent que les entreprises qui ont appelé à voter en faveur du Front républicain ne sont pas dans leur rôle. Avec un fort clivage générationnel, puisque cette opinion émane principalement des plus de 50 ans. "Pas surprenant quand 4 salariés sur 10 ont voté RN, souligne Samuel Jequier, notamment les plus âgés". Cette demande de neutralité est aussi réclamée sur les grands sujets sociétaux, par une courte majorité.

Selon Bona Fidé, "il y a une coupure de plus en plus forte entre le progressisme culturel, affiché par les directions des grands groupes et les salariés sur le terrain". Dans une société plus polarisée, où les sujets qui rassemblent se réduisent comme peau de chagrin, l’entreprise qui s’engage publiquement prend le risque de heurter la moitié de son effectif.

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