"L’IA n’a pas d’état d’âme, elle n’est pas sensible à la satisfaction à l’anomalie" selon une radiologue

Cet été, franceinfo interroge des salariés, des indépendants, des chefs d'entreprise sur leur rapport aux intelligences artificielles. Comment les utilisent-ils, comment modifient-elles leur pratique professionnelle ? Aujourd'hui, Marie-Pierre Revel, chef du service de radiologie de l’hôpital Cochin, en charge du dépistage pour la Société française de radiologie.
Article rédigé par Sarah Lemoine
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
L'intelligence artificielle dans les milieux hospitaliers et les cliniques : à l'hôpital Cochin à Paris, l'IA est utilisée depuis longtemps dans le service de radiologie. (VITHUN KHAMSONG / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

Quels sont les rapports des salariés, des chefs d'entreprise et des indépendants avec les intelligences artificielles ? Sarah Lemoine a rencontré Marie-Pierre Revel, chef du service de radiologie de l’hôpital Cochin, en charge du dépistage pour la Société française de radiologie.

L’intelligence artificielle, Marie-Pierre Revel l’utilise depuis longtemps dans son métier de radiologue. Elle a commencé à l’expérimenter dès 2002, d’abord à travers la reconnaissance vocale, bien avant que cette technologie ne se déploie largement dans le monde hospitalier. "J'ai eu la chance de participer à l'ouverture de l'hôpital Pompidou à Paris. À l'époque, en matière d'intelligence artificielle, on a testé le recours à la reconnaissance vocale pour générer les comptes rendus. C'était il y a 22 ans !

Avant cela, la méthode classique, c'était de dicter sur une cassette, de donner l'enregistrement à une secrétaire qui tapait le compte rendu. La reconnaissance vocale a permis de faire des gains de temps très importants. Les comptes rendus sont disponibles bien plus rapidement pour les patients, ils sont aussi plus pertinents. On voit s'afficher le texte sur l'écran et on s'autocritique immédiatement."

Détection des fractures et des nodules dans les poumons : deux systèmes d'IA utilisés à Cochin

Dans le service de radiologie qu'elle dirige aujourd'hui à l'hôpital Cochin, Marie-Pierre Revel utilise quotidiennement deux systèmes d’intelligence artificielle. L'un pour aider à détecter les fractures, l'autre les nodules dans le poumon.

"C'est comme s'il y avait deux lecteurs. Un lecteur humain et un lecteur qui est l'intelligence artificielle. On commence toujours par analyser sans l'IA, et on regarde ensuite ce qu'a trouvé l'IA. Cette dernière à l'avantage de ne pas avoir d'état d'âme, elle n'est pas sensible à la fatigue, ni à ce qu'on appelle la 'satisfaction à l'anomalie' ou 'satisfaction of search (SOS)' en anglais."

Marie-Pierre Revel, radiologue

à franceinfo

"En fait, nous les radiologues, poursuit Marie-Pierre Revel, quand nous avons trouvé une première anomalie, notre vigilance s'éteint un peu, on a l'impression d'avoir fait le travail, alors qu'il peut y avoir quelque chose de plus discret, mais bien plus important pour le patient. L'intelligence artificielle, elle, s'en moque, qu'elle ait déjà trouvé quelque chose avant ou pas, cela ne l'influence pas !"

L'IA et les limites des algorithmes de prédiction

Quand on demande au professeur Revel si l’intelligence artificielle au service de la médecine soulève des questions, elle pointe des limites des algorithmes de prédiction. "Je ne suis pas équipée d'une boule de cristal ! Une fois que j'ai analysé le scanner, si l'algorithme me dit qu'un patient ne va pas répondre au traitement, ou qu'il a une survie à cinq ans de 12%, cela me pose un problème d'engagement de ma responsabilité, car je n'ai aucun moyen de le vérifier."

"Cela me pose aussi un problème d'éthique, car je ne sais pas s'il faut tout prédire. Si on savait qu'en l'an 2047, à 18h02, on va passer l'arme à gauche, je ne suis pas sûre que cela rende service, et que cela soit facile à vivre. C'est ce que j'appelle 'le savoir encombrant'."

Marie-Pierre Revel, radiologue

à franceinfo

Si Marie-Pierre Revel juge les intelligences artificielles incontournables aujourd'hui en radiologie, notamment en matière de détection, ces dernières nécessitent une validation humaine permanente, car contrairement à leur nom, dit-elle, elles ne sont pas très intelligentes.

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