Les entreprises appelées à lutter contre l’infobésité et le stress numérique
Mails, tchats, visio, groupes de discussion sur Teams, intranet. Depuis la crise du Covid et le développement du travail hybride, les outils de communication se multiplient et se superposent dans les entreprises. Décryptage avec Sarah Lemoine.
franceinfo : Cette accumulation des outils numériques dans les entreprises, pour les personnels, c'est parfois pour le meilleur, et souvent pour le pire ?
Sarah Lemoine : C’est que montre la deuxième étude de l’Observatoire de l’Infobésité. Ce qui est intéressant, c’est que cette étude ne repose pas sur un sondage, mais sur les pratiques bien réelles d’une dizaine d’entreprises. Ces dernières ont fourni les métadonnées des communications numériques de 10.000 collaborateurs, ce qui offre une lecture inédite de leur quotidien professionnel.
On apprend que le nombre de mails reçus continue d’augmenter. Un salarié en a 104 chaque jour, dans sa boîte aux lettres. Un manager 205. Et un dirigeant 342, en moyenne. La réactivité est forte, ils sont souvent traités en moins d’une heure. Le nombre de connexions s’accroît en dehors des heures de travail.
Gérer sa boîte mail devient un objectif en soi. Pas facile, alors que la "réunionite" est de plus en aiguë. 6h30 par semaine pour un salarié et jusqu’à 23h pour un dirigeant.
En parallèle, les salariés ne sont pas appropriés les outils collaboratifs déployés dans les entreprises depuis le Covid ?
On parle là des plateformes comme Teams qui permettent de créer des discussions par équipe, par exemple. "Ces outils ont été vendus avec la promesse qu’ils se substitueraient aux mails", affirme Arthur Vinson, le coprésident de l’Observatoire. Dans les faits, cela ne produit pas, car deux tiers des salariés ne les utilisent pas, selon les métadonnées de l’étude.
En revanche, "ils augmentent le millefeuille communicationnel au sein de l’entreprise, et commencent à installer une fracture numérique, entre ceux qui savent les manier et les autres, qui observent", alerte Arthur Vinson. Cette infobésité, mal gérée, a des impacts selon lui, sur la charge de travail, la santé, et la productivité elle-même.
Les entreprises s’emparent-elles du sujet ?
La Caisse nationale des allocations familiales est en train de mener une expérimentation. Elle a fait analyser les métadonnées des échanges numériques de 200 salariés qui travaillent dans une caisse en région. Ils confirment la prédominance du mail au détriment des outils collaboratifs, ces derniers étant surtout utilisés par les managers.
Les résultats vont permettre d’élaborer des plans d’actions d’ici la fin de l’année, explique Emmanuelle Maury, qui pilote la transformation numérique à la CNAF. L’objectif, dit-elle, c’est de questionner les usages pour augmenter l’efficacité des échanges, diminuer la charge mentale et les facteurs de stress. L’enjeu est aussi d’atteindre la sobriété numérique. Vu la quantité de mails stockés ou jamais ouverts.
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