Cet article date de plus de huit ans.

Ce bégaiement, mon meilleur ennemi

Un colloque sur le bégaiement. Ce rendez-vous, organisé par l’Association Parole Bégaiement, a lieu, demain à l’espace Reuilly à Paris. Il réunit des dizaines de bègues et de spécialistes.
Article rédigé par Nathalie Bourrus
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (© Fotolia)

C’était… victorieux ! Et quand on voit cet homme de 45 ans, on se dit que, franchement, ce n’était pas gagné

Oui, William Chifflet n’est pas atteint, d’un petit bégaiement….mais d’un  gros, qui se voit, beaucoup.

J’arrive en retard. Je suis chez lui, dans un appartement bourgeois, a la déco bien pensée, dans le branché 10e arrondissement de la capitale. J’aperçois une chambre d’enfant. William en a deux.

Une femme et deux enfants

Et il a, un plutôt très bon job, dans une grosse boite de production. Et donc, il est très très bègue. Pendant que William me prépare un café, je me demande si tout ça, est bien vrai. Je veux dire : on peut être, super bègue, et avoir une vie archi normale ? Voire réussie ? C’est pas possible, y a un truc qui cloche. Je me sens horrible de penser ainsi.

Il s’assied.

 "Je suis le Canada Dry du bègue ", me dit-il, très à l’aise.

 "J’ai l’air d’un vrai bègue, mais en fait, je n’en suis pas un ", me lance-t-il.

Il se marre, mais avant d’arriver à dire tous ces mots… c’est toute une histoire, c’est toute une victoire.

Ses mains, ses bras, se crispent

Un cou se tend…sa tête se tord. Les yeux se ferment. J’ai l’impression que ça dure une éternité. J’ai envie de le couper, de le stopper, de lui dire : "Mais arrête, William ! Tu délires là !"

Ses mots à lui, sont restés coincés, quelque part…Peut-être au fond d’une opération de sa hernie, quand il était bébé ou alors, au fond d’une piscine, dans laquelle il est tombé à l’âge de trois ans. Il ne le sait pas lui-même. Et il s’en balance.

Son combat, c’est que les mots sortent, intacts. Peu à peu, il rassemble ses gestes. Sa phrase (que j’ai failli terminer, pour lui) finit par s’achever, aussi normalement qu’elle avait démarré. Victoire.

La victoire de William

 "Là, je viens de faire ce qu’on appelle une syncinésie, cette contraction... j’en fait tout le temps … ma vie est ponctuée de blocages, et de fluidité…" , dit-il, tout en racontant que l’été de ses seize ans, alors qu’il tente de draguouiller une fille, elle a cru qu’il faisait une crise d’épilepsie.

Moi : "Mais….c’est tout le temps ? Toute votre vie ?"

Lui : "Lui, tout le temp s"

La vache ...

Est-ce qu’il souffre physiquement ?

Et puis… comment il a fait pour avoir cette vie ? Cet appart, ces enfants ? Je me sens à nouveau horrible de penser ainsi .

"Je m’en suis sorti , dit-il, parce qu’un jour, je me suis dit que j’aurais la vie de tout le monde… mais que je n’étais pas comme tout le monde… assumer, regarder mon handicap, ça a été la clé ….Lui et moi, on vit ensemble"

Lui, et moi.

Le bégaiement, et William, donc, cohabitent à présent. Mais attention, c’est William le bègue, le propriétaire des lieux. William le Victorieux.

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