Frère et soeur, 22 et 18 ans : "Les politiques sont des gamins"
Wendy et Colin vivent sur les flancs de Paris depuis quelques mois. Un appartement l'un au-dessus de l'autre, ils ont quatre ans d'écart en commun une enfance dans le Var dans un creuset famillial très politisé. Et explicitement à gauche.
Wendy, 18 ans, a eu son bac au mois de juin 2011, elle prépare aujourd'hui des concours pour devenir flûtiste concertiste. Son fère, Colin, 22 ans, poursuit un master en fac de mathématiques. Peut-être pour devenir prof dans le secondaire, ou pour se destiner à un avenir d'enseignant-chercheur à la fac - il hésite encore. L'un comme l'autre voteront pour la première fois en avril à une élection présidentielle.
Ensemble, ils n'en parlent pas tous les soirs, mais de plus en plus souvent. Ils s'y intéressent aussi de plus en plus près - "peut-être parce qu'on est davantage entouré de journaux à Paris ". Eux qui viennent du Var estiment pourtant venir "d'un autre monde" . Un monde où l'on pouvait parler "beaucoup " politique mais en s'en sentant très loin à la fois. Aujourd'hui, Colin continue de juger les politiques "trop peu représentatifs " de la société française. Trop pollués, aussi, par la communication politique et le climat alimenté par les médias et les insituts de sondage :
"A force de mettre les gens dans des cases, ils finissent par ne plus voter ou voter FN. "
Anne Muxel, chercheuse CNRS au Cevipof et spécialiste du vote des jeunes, confirme que les jeunes fustigent la politique du tout-à-l'image.
Le FN, Colin et Wendy connaissent bien : plusieurs municipalités à proximité de la maison familliale sont dirigées par l'extrême-droite. C'est aussi leur premier souvenir politique, avec le 21 avril 2002. De cette date, ils conservent tous deux l'envie tenace de voter "par devoir " alors même qu'ils trouvent peu leur compte dans l'offre politique.
Et puis aussi un rejet d'une partie des électeurs français, gauche comprise, qui ne s'étaient pas déplacés au premier tour de 2002. Pour Colin, le faible score de Lionel Jospin est plus édifiant encore que le passage de Jean-Marie Le Pen au second.
Si tous les deux savent qu'ils se déplaceront au printemps, ils n'ont pas fait leur choix. Wendy affirme être sensible au "vote utile ", et condède "être influencée par la famille ". Son aîné de quatre ans, lui ne se dit "ni de gauche ni de droite ", trop flou dans ses convictions politiques pour revendiquer une identité politique bien déterminée.
Anne Muxel y voit un portrait emblématique de leur génération : à la fois matinés par l'histoire familliale qui continue de structurer durablement le vote d'une majorité de Français, tous âges confondus... et distants des partis, indifférents presque à quelque enthousiasme électoral.
Colin avait 16 ans lors des grandes manifestations contre le "CPE", le contrat première embauche. Anne Muxel continue de déceler un rite initiatique fort dans l'acte de protestation, qui s'est banalisé. Mais Colin, lui, reste en retrait de ce souvenir. À l'époque, il ne manifestait pas. Parce qu'il n'avait pas fondé de conviction sur la réforme portée alors par Dominique de Villepin, mais aussi parce qu'il voulait échapper à "ceux qui manifestaient pour sécher les cours ".
L'universitaire retrouve ici une dimension importante : la volonté des plus jeunes de s'affranchir autant des partis que des syndicats. Ou même, comme pour Colin, des collectifs autonomes.
En avril, Wendy explique qu'elle se prononcera "en regardant l'économie" . 18 ans oblige, elle est "peut-être plus concernée par l'éducation" , mais elle garde un oeil sur les discussions sur les retraites voire la sortie de l'euro. Anne Muxel confirme :
"Ce sont les enfants de la crise. Une crise endémique qui les a façonnés en en faisant de nouveaux électeurs pragmatiques sans qu'ils aient renoncé à des idéaux universalistes."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.