Jeune entrepreneur et ex-militant UMP : "Je ne voterai pas Sarkozy au premier tour"
Avec François Hollande en face au second tour, il pourrait ne pas aller voter en 2012. Si ça devait être Martine Aubry, il se déplacerait “quand même” , et voterait Sarkozy. Au premier tour de la présidentielle, Amaury Flotat pense qu’il n’ira pas. Pourtant, il se dit toujours “homme de droite” . En 2007, il avait même été un pilier de la campagne pour Nicolas Sarkozy dans le Nord. Ce n'est pas une trajectoire étonnante pour la chercheuse Florence Haegel :
"L'entreprise reste le principal distingo entre un jeune de droite et de gauche."
Le Nord, c’est là qu’il est né il y a trente-six ans. Père chef d’entreprise et scolarité à l’institution catholique très chic de Marcq-en-Bareul, voisine cossue de Lille. La société qu’il a créée en 2000 y est toujours basée. L’ex-start up dans le développement informatique compte aujourd’hui 150 salariés, quinze ans après qu’Amaury Flotat soit sorti de son école de commerce.
Son engagement à droite ne date pas de ses débuts en 1997 comme (très jeune) chef d’entreprise. Plutôt du lycée, époque de sa première carte au RPR :
“Quand je suis jeune et que je m’engage, je suis lycéen, on vit ici un miracle avec la victoire du conseil général en 1992 et je me dis que ce n’est pas possible qu’une victoire électorale puisse amener une telle ferveur. C’est du jamais vu." Il ajoute qu'en 1993 : "Victoire des législatives, puis la présidentielle en 1995. Tout cela est fabuleux à vivre sur le terrain [...]
Je suis aussi un homme de droite par respect du général de Gaulle. Si suis fier d’être Français, si j’ai les larmes aux yeux quand je vois la patrouille de France le 14 juillet ou si je suis fier quand je vois une station Total à l’étranger, c’est pour tout ce que représentent les idées du général de Gaule.”
C'est un parcours normal selon Florence Haegel, chercheuse en sciences politiques, "révélateur de ce qui peut distinguer un jeune de droite d'un jeune de gauche."
"Les 35 heures nous ont coupé les pattes."
Le rejet de la gauche était présent très tôt dans son inclination, mais plutôt version antimitterrandiste (“Mais quand on est en fin d’adolescence et qu’on se dit : tiens, dans deux ans, je vais voter... est-ce que c’est pour ceux qui défendent les idées du général de Gaulle ou plutôt Mitterrand au moment où on commence à sortir son passé de Vichy ?” ). Avec la vie active, l’investissement dans le tissu économique local, ses idées sont devenues plus libérales. Il n’a pas voté Alain Madelin en 1995 mais trouvait déjà que son éviction du gouvernement au bout de trois mois était “un gâchis” . Les 35 heures achèvent d’ancrer son tropisme :
“Là où vraiment je me suis rendu compte que l’interventionnisme politique dans l’économique était une catastrophe, c’est quand j’ai créé ma boîte. En 1997, ma première boîte, puis en 2000, celle que je dirige toujours actuellement. On était une jeune boîte, on devait avoir quinze ou vingt salariés quand on a été obligés de mettre en place les 35 heures en 2001. Une catastrophe pour les entreprises : on apprenait à marcher et on nous a mis un bâton dans les pattes.
Et ça nous a vraiment fait perdre la valeur travail, et tout cela aujourd’hui on le paye. C’est pour toutes ces raisons que je suis un homme de droite : parce que je suis contre l’assistanat, contre le nivellement par le bas des classes moyennes...”
En 2007, Amaury Flotat a cru dans ce que représentait Nicolas Sarkozy pour le chef d’entreprise qu’il est. Déception. Certes, la crise est passée par là, “il [Nicolas Sarkozy ndlr] n’a pas eu de chance” . Certes, il a “peut être été un capitaine pendant la crise” et “sauvé quelques PME" . Mais aujourd’hui le compte n’y est pas : *“Si je ne vote pas Nicolas Sarkozy l’an prochain, c’est parce qu’il ne représente plus grand chose. Il a promis tellement aux entrepreneurs. On a toujours beaucoup d’incitations fiscales à aller en Belgique, parce qu’il n’a assoupli un certain nombre de taxes, il n’a pas simplifié les dépôts de bilan : on est toujours un escroc quand on dépose le bilan de sa société.
Il n’a pas du tout assoupli les 35 heures. Le risque, c’est que de plus en plus d’entreprises tertiaires supérieures se délocalisent. La France a perdu l’industrie, elle ne restera plus qu’un géant Club Med.”*
La lutte contre l'immigration, mais pas le bling bling
Parmi les ferments de la désillusion, Amaury Flotat cite aussi “le bling bling” même si le salaire des grands patrons “ne le choque pas personnellement” . Il juge surtout qu’à force de “tout stéréotyper” , à commencer par “ce côté fric, nouveau riche” , Nicolas Sarkozy a plombé les idées de droite :
“Il est maladroit. Il y a plein de bonnes choses dans ce qu’il fait mais finalement, il fait focaliser les gens tellement sur lui, que les idées ne passent plus.”
La politique menée envers les étrangers, en revanche, ne l’a pas choqué. Il précise même que c’est pour cela qu’il n’est pas centriste, parce qu’il faut “être ferme” . Idem sur les questions de sécurité. Amaury Flotat est révélateur en cela de l’électorat de droite traditionnel, plutôt homogène sur ces questions qui divisent peu, comme le note Florence Haegel, chercheuse en science politique et spécialiste des logiques partisanes à droite.
Comme beaucoup d’électeurs de droite que je rencontre sur le terrain, il explique qu’il aurait volontiers voté DSK si la question s’était posée. Même si son penchant libéral imprègne tout son témoignage, c’est paradoxalement vers une versant plus étatiste qu’il se tourne lorsqu’Amaury Flotat se cherche un nouveau leader charismatique pour revoter à droite.
Sans savoir s’il irait au front, il se tourne aujourd’hui vers Alain Juppé. Sa traversée du désert et la condamnation à un an d’inéligibilité et 14 mois avec sursis dans l’affaire des emplois fictifs du RPR ? Pas le moins du monde une tâche : “le meilleur d’entre nous” comme disait Jacques Chirac serait au contraire une victime.
Juppé incarne *"la droiture"
-
Et un symbole de la matrice identitaire à droite :
“Il incarne aussi bien la droiture, la cohésion de la France, la province tout en ayant le parisianisme mais pas que le parisianisme. Les difficultés justement de la traversée du désert justement, les baffes. Il incarne l’expérience. Il a récupéré la France en 1995 comme Premier ministre et il a fait exactement ce qu’il fallait : il a eu les grèves et il a pris des décisions difficiles. Il a augmenté la TVA pour renflouer les caisses. Il n’a pas écouté seulement les urnes.”
Plus Amaury Flotat explique pourquoi il s'éloigne de l'actuelle UMP, plus on sent le besoin d’air d’une frange de l’électorat vis-à-vis d’un parti trop caporalisé. Qui a nié les courants pourtant prévus dans ses statuts originels. Localement, l’ex-militant a également pris ses distances, quitté une arène peuplée de “professionnels de la politique ” qui ferait trop peu de place à la société civile coeur de cible de la droite : le monde de l’entreprise. C’est-à-dire les mêmes qui accusaient déjà Nicolas Sarkozy de les avoir abandonnés.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.