Le 6 juin 1944 : deux voix s'élèvent pour mobiliser les Français
La population française est un des enjeux du débarquement. Les alliés comme les occupants allemands ont besoin des Français. Les premiers comptent sur le soutien de la résistance pour entraver la défense allemande. Les Allemands n’accepteront eux "aucun acte d’indiscipline" comme le gouvernement de Vichy ne cesse de le rappeler.
À la radio d’État française, à midi, le 6 juin 1944, la voix chevrotante du maréchal Pétain se fait entendre. Le refrain est connu. Une fois encore, Pétain demande aux Français de ne rien faire qui puisse aggraver leurs souffrances. Une fois encore, il se présente comme le père bienveillant d’une nation en dangers.
"Français, les armées allemandes et anglo-saxonnes sont aux prises sur notre sol. La France devient ainsi un champ de bataille. Fonctionnaires, agents des services publics, cheminots, ouvriers, demeurez fermes à vos postes pour maintenir la vie de la nation et accomplir les tâches qui vous incombent. Français, n'aggravez pas nos malheurs par des actes qui risqueraient d'appeler sur vous de tragiques représailles. Ce seraient d'innocentes populations françaises qui en subiraient les conséquences. N'écoutez pas ceux qui, cherchant à exploiter notre détresse, conduiraient le pays au désastre. La France ne se sauvera qu'en observant la discipline la plus rigoureuse. Obéissez donc aux ordres du gouvernement. Que chacun reste face à son devoir. Les circonstances de la bataille pourront conduire l'armée allemande à prendre des dispositions spéciales dans les zones de combat. Acceptez cette nécessité, c'est une recommandation instante que je vous fais dans l'intérêt de votre sauvegarde. Je vous adjure, Français, de penser avant tout au péril mortel que courrait notre pays si ce solennel avertissement n'était pas entendu. "
Ce que les Français ignorent totalement, c’est que le maréchal Pétain a enregistré cette déclaration, cet "Appel au Peuple français " il y a bien longtemps déjà, le 17 mars à la demande expresse des Allemands. Des affiches sont également prévues de longue date. Il s’agit évidemment de dissuader les Français d’aider les alliés qui viennent de débarquer. C’est dans l’intérêt du pays et des Français…Les mots prononcés par Pétain rappellent ceux du 30 octobre 1940, son discours marquant l’entrée dans la collaboration quelques jours après sa rencontre avec Hitler à Montoir. Décidément, jusqu’au bout, la France de Vichy collabore. D’ailleurs, dans la journée du 6 juin, Pétain se recueille sur les ruines de Saint-Etienne bombardée par les alliés.
De Gaulle à la radio dans l'après-midi
Les Français entendent donc largement ce discours à midi. En fin d’après-midi le 6 juin, ceux qui parviennent à capter la BBC entendent la voix du général de Gaulle :
"Cette bataille, la France va la mener avec fureur. Elle va la mener en bon ordre. C'est ainsi que nous avons, depuis quinze cents ans, gagné chacune de nos victoires. C'est ainsi que nous gagnerons celle-là. En bon ordre ! Pour nos armées de terre, de mer, de l'air, il n'y a point de problème. Jamais elles ne furent plus ardentes, plus habiles, plus disciplinées. L'Afrique, l'Italie, l'océan et le ciel ont vu leur force et leur gloire renaissantes. La Terre natale les verra demain ! Pour la nation qui se bat, les pieds et les poings liés, contre l'oppresseur armé jusqu'aux dents, le bon ordre dans la bataille exige plusieurs conditions. La première est que les consignes données par le Gouvernement français et par les chefs français qu'il a qualifiés pour le faire soient exactement suivies. La seconde est que l'action menée par nous sur les arrières de l'ennemi soit conjuguée aussi étroitement que possible avec celle que mènent de front les armées alliées et françaises. Or, tout le monde doit prévoir que l'action des armées sera dure et sera longue. C'est dire que l'action des forces de la Résistance doit durer pour aller s'amplifiant jusqu'au moment de la déroute allemande. La troisième condition est que tous ceux qui sont capables d'agir, soit par les armes, soit par les destructions, soit par le renseignement, soit par le refus du travail utile à l'ennemi, ne se laissent pas faire prisonniers. Que tous ceux-là se dérobent d'avance à la clôture ou à la déportation ! Quelles que soient les difficultés, tout vaut mieux que d'être mis hors de combat sans combattre. La bataille de France a commencé. Il n'y a plus, dans la nation, dans l'Empire, dans les armées, qu'une seule et même volonté, qu'une seule et même espérance. Derrière le nuage si lourd de notre sang et de nos larmes voici que reparaît le soleil de notre grandeur "
Ce n’est pas le discours que les alliés avaient préparé pour le Général. Pas question pour lui de n’être que le porte-parole des Anglo-Américains qui ne l’aiment guère mais qui ont tout de même besoin de lui pour mobiliser les forces de la résistance et des maquis. Arrivé d’Alger le 4 juin, il est informé au dernier moment du débarquement, mais il parvient finalement à imposer son propre discours. Un discours qui ne sera tout de même diffusé que huit longues heures après celui d’Eisenhower. Il sera ensuite largement diffusé en France, envoyé par les airs.
Churchill qui ne l’aimait pourtant guère a pleuré en entendant les mots du Général…
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