Colère des agriculteurs : quand la sphère complotiste tente de récupérer les mouvements sociaux

La mobilisation des agriculteurs a été vue et entendue en France comme ailleurs. Sur les réseaux sociaux, le hashtag #AgriculteursEnColère a rapidement été propulsé par des adeptes de théories complotistes. Avec un seul but : profiter de cette colère pour faire passer leur message.
Article rédigé par Pauline Pennanec'h
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un agriculteur français lève le poing devant la préfecture du Var lors d'une manifestation d'agriculteurs à Toulon, le 25 janvier 2024. (NICOLAS TUCAT / AFP)

"Après les Hollandais, les Roumains, les Polonais, les Allemands, les Français prennent le relais" : sur les réseaux sociaux, à la mi-janvier, la sphère complotiste s'enthousiasme des actions menées par les agriculteurs français. "Ils sont aucunement défendus, même totalement délaissés par les syndicats, notamment la FNSEA, syndicat rongé par la franc-maçonnerie", affirme une figure complotiste.

Il n'a pas fallu attendre bien longtemps avant d'assister à une tentative de récupération du mouvement par la complosphère. Sur les réseaux sociaux, l'apparition en tendance du hashtag #AgriculteursEnColere n'a pas été si spontané que ça. "Les organisations syndicales poussaient d'autres hashtags, note Tristan Mendès France. Et là, on a vu que, quelques jours après le lancement de ce premier hashtag, qu'il a été poussé par d'anciennes pages Facebook de 'gilets jaunes', des profils de la complosphère, des figures du climatoscepticisme s'emparer de ce hashtag pour essayer de pousser leur propre agenda. Les contenus les plus viraux en ligne n'étaient pas ceux produits par les organisations syndicales ou les contestataires de ce mouvement agricole eux-mêmes mais plutôt les influenceurs de la complosphère en général."

Une suspicion d'une récupération des médias et du gouvernement

Mais tous les complotistes ne sont pas forcément derrière le mouvement. Beaucoup s'en méfient. Ils suspectent une récupération, mais cette fois qui proviendrait des médias et du gouvernement. "Pour une partie de la complosphère, c'est un mouvement relevant de ce qu'on appelle l'opposition contrôlée, relève Rudy Reichstadt. Par exemple, l'antivax Jérémie Mercier assène que 'quand les médias collaborationnistes et les autorités totalitaires [sic] soutiennent un mouvement en apparence populaire, il y a clairement anguille sous roche'. Citons également le site complotiste Géopolitique Profonde pour qui 'tout ceci sent bel et bien la mise en scène et le détournement d'attention'".

Jusqu'à prendre pour cible Jérôme Bayle, devenu une figure du mouvement, accusé d'être "un vendu et un traître" parce qu'il a négocié avec Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires de France. Des images filmées, rapidement virales, où on le voit en train de glisser un petit bout de papier au ministre, avec un air un peu gêné. La rumeur, selon laquelle l'agriculteur aurait donné son relevé d'identité bancaire, s'est répandue. Interrogé sur l'affaire, l'agriculteur affirme avoir donné au ministre le contact d'une famille d'agriculteurs en difficulté.

Dans cet épisode, Rudy Reichstadt et Tristan Mendès France reviennent aussi sur les théories complotistes, de l'agenda 2030 à l'alimentation à base d'insectes imposée par la Commission européenne.

"Colère des agriculteurs : quand la sphère complotiste tente de récupérer les mouvements sociaux", c'est le 61e épisode de Complorama avec Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, et Tristan Mendès France, maître de conférences et membre de l'observatoire du conspirationnisme, spécialiste des cultures numériques. Un podcast à retrouver sur le site de franceinfo, l'application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcasts, Podcast Addict, Spotify, ou Deezer.

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