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Culture d'info. L'écrivain Oliver Guez : "Je suis un Européen charnel"

Né dans la très européenne ville de Strasbourg, grand voyageur, l'écrivain, prix Renaudot 2017 pour "La disparition de Josef Menguele", voit la décennie se terminer sur un sentiment d'échec pour l'idéal européen.

Article rédigé par franceinfo, Thierry Fiorile
Radio France
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Temps de lecture : 5min
Le romancier Olivier Guez, le 19 octobre 2017, à Paris.  (JOEL SAGET / AFP)

Olivier Guez, journaliste, essayiste et écrivain français, prix Renaudot en 2017 pour La disparition de Josef Menguele aux éditions Grasset et Fasquelle, est l'invité de Thierry Fiorile ce dimanche. Il évoque une décennie marquée par un sentiment d'échec pour l'idéal européen.

franceinfo : Quel regard portez-vous sur les années 2010 en Europe ?  

Olivier Guez : C’est décevant parce qu'en fait, on aurait pu imaginer un sursaut européen après le Brexit, après l'élection de Trump, compte tenu aussi de tout ce qui tourne autour de l'Europe, que ce soit Erdogan ou la Russie qui est extrêmement revancharde, agressive.

En fait, on se rend compte qu'il n'y a pas ce sursaut européen. Il n'y a pas une volonté politique, on sent que personne n'est véritablement mobilisé, même s’il y a des micros avancées. Mais au fond, on sent que cette Europe patine et surtout, qu'il y a un manque d'envie terrible. Ce que je trouve le plus triste, c'est que cette idée est en train, gentiment, doucement, lentement, de mourir. Pour le coup, je trouve ça encore plus inquiétant que la montée des populismes.

Quel européen êtes-vous ? Vous êtes de la génération qui a vraiment embrassé cette Europe en construction

Oui, complètement. Je suis né au milieu des années 70. J'ai eu la chance dans ma jeunesse de vivre probablement la plus grande décennie de la construction européenne des années 80, qui s'est terminée par cette incroyable chute du communisme. Ce qui aurait dû être la grande réunification européenne.

Moi, je suis un Européen de la culture, mais quand je dis culture, c'est un Européen charnel. Et ça, c'est quelque chose que je ne comprendrai jamais. C'est pourquoi on n'a pas voulu faire de l'Europe, de cette construction européenne, un être charnel, alors que l'Europe est incroyablement charnelle. Ces paysages européens, les cuisines européennes, les histoires européennes, cette géographie, ces fleuves, ces montagnes, tout ce que vous voulez, c'est extraordinaire et on en a fait l'objet le plus triste possible.

Je donne toujours en exemple les billets en euros. C'est quand même incroyable que sur nos billets en euros, on n'a pas été fichu de mettre les visages des grands génies de la culture européenne. On n'a pas été fichu de mettre les plus belles cathédrales, les plus beaux ponts et qu'on a dû inventer des arcs et des ponts factices dessinés par un ordinateur. Il faut être fou.

Et c'est ça que je ne comprends pas. Dans cette construction européenne, c'est l'absence de chair. Moi, mon Europe, c'est l'Europe de Casanova, celle de la culture. C'est une Europe qui voyage. C'est une Europe qui raconte une histoire, et le fait aussi qu'on n'assume pas d'où on vient. Les racines de l'Europe.

L'écrivain Olivier Guez

Mais lorsqu'on décrit les racines d'un objet, ce n'est pas pour ça qu'on exclut les autres. Mais au moins, on sait d'où on vient, et le drame de l'Europe, c’est qu’on ne veut pas savoir d'où on vient, mais quand on n'ose pas dire d'où on vient, on ne sait pas qui on est. Et en plus, on ne sait pas où on va. Alors, comment voulez-vous adhérer à une chose pareille?

Cela passe par l'éducation. Les jeunes aujourd'hui devraient connaître la culture européenne. L'Europe centrale qui vous fascine tant Les jeunes Français ne la connaissent pas

En France, on parle de l'Europe de l'Est, comme dans les années 70/80, à l'époque communiste. Il y a plein de gens encore en France, même des gens très cultivés qui croient encore que la Roumanie ou la Hongrie, sont couvertes d'usines avec des cheminées. Une Europe toute grise ! Non, il y a un manque d'intérêt. Il y a un manque de culture. C'est évident pour cette partie de l'Europe, même globalement pour l'Europe.

En règle générale, bien sûr, ça devrait passer par l'éducation. Ça fait très longtemps qu'il devrait y avoir au moins une partie de curriculum commun dans toutes les écoles de l'Europe, et qu'on ait une idée, au moins lorsqu'on sort de l'école primaire ou du collège, de l'histoire de ce continent, de l'histoire de notre civilisation. Ce qui permettrait finalement de créer un lien émotionnel avec cet objet. Mais on refuse de créer ce lien émotionnel.

Vous voyagez beaucoup en Europe. Vous vous sentez chez vous partout ?

Oui. J'ai cette chance de me sentir autant chez moi, à Stockholm, aussi bien qu'à Madrid, en Bretagne ou en Sicile. Il y a une histoire commune, une civilisation, une géographie commune. La beauté extraordinaire de ce continent, c'est qu'on sait qu'on peut franchir trois frontières, changer trois fois de langues en l'espace d'une heure, une heure et demie.

Et je ne comprends pas qu'on ne mette pas davantage en valeur cet extraordinaire patrimoine qui devrait être à la base d'une construction qui est nécessairement économique, financière et politique. Sauf que là, on a fait l'inverse. Et comme ça patine en terme de construction, on a totalement laissé tomber le niveau culturel. Et là, aujourd'hui, dans le budget de la nouvelle Commission européenne, la culture, c'est quasiment zéro. Alors qu'en fait, cela devrait être l'un des postes les plus importants de cette construction européenne.    

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