En Turquie, médias et réseaux sociaux sous surveillance de plus en plus étroite du pouvoir

Les médias nationaux sont depuis longtemps sous tutelle du pouvoir turc : il en contrôle 90%, selon Reporters sans Frontières. Et les réseaux sociaux, eux aussi, sont plus que jamais sur la sellette
Article rédigé par Marie-Pierre Vérot
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Instagram, comme les autres réseaux et médias, sous surveillance du pouvoir turc. Photo d'illustration (YASIN AKGUL / AFP)

Lors du tremblement de terre qui a frappé la Turquie en février 2023, Twitter (devenu X, depuis) avait été bloqué afin d’éviter toute critique de l’incurie du pouvoir. Le blocage avait finalement dû être levé après une douzaine d’heures, car le réseau servait aussi aux secouristes pour atteindre les victimes.

En fait depuis le vote d’une loi sur la désinformation, les poursuites se multiplient face aux critiques sur les réseaux sociaux. Cet été c’est l’accès à Instagram qui a été bloqué pendant plusieurs jours : les autorités l’accusaient notamment de censurer les messages de condoléances après la mort du chef du Hamas Ismaël Haniyeh. Un blocage très mal vécu : Instagram compte en Turquie quelque 57 millions d’abonnés. Et ce sont justement les critiques contre la privation d’accès à Instagram qui ont conduit au nouveau tour de vis : interrogée alors par une chaîne YouTube, une jeune femme se lâche et affirme que "fermer les réseaux sociaux, c'est un coup d'Etat ! Même s'il dirigeait le monde, le président de la République ne peut pas bloquer Instagram. Vous êtes tous des idiots, pour avoir abandonné nos droits et nos libertés à une seule personne, et l'avoir considérée comme supérieure à Dieu."

Tour de vis

Après cette déclaration, elle est arrêtée et après 18 jours de prison est condamnée à l'issue d'un procès éclair à sept mois et demi de détention. RTÜK, l’autorité de régulation de l’audiovisuel, place sous surveillance les micro-trottoirs. Tout propos considéré comme portant atteinte à l’Etat, calomniant ou dégradant tenu dans l’espace public sera châtié. Quant à YouTube, il est prévu d’exiger une autorisation pour toute chaîne d’information ou de divertissement. Elles devront obtenir une licence du Haut conseil de l’audiovisuel.

Netflix aussi est censurée. Du moins une série grecque, Famagusta, qui devait être diffusée à partir du 20 septembre, et qui relate les exactions de l’armée turque lors de son intervention militaire à Chypre en 1974. "Récit biaisé", dénonce le gouvernement turc qui a bloqué la série. Les chaînes indépendantes ou critiques se voient, elles, régulièrement infliger de fortes amendes. Et la tendance ne devrait pas s’inverser tout de suite : le président de RTÜK a peuplé l’instance de membres ou proches de  l’AKP, le parti d’Erdogan.

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