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Dans la peau de l'info. Ce qu'il faut savoir de la bataille entre les producteurs de cidre français et l'Union européenne

Tous les matins, Marie Dupin se glisse dans la peau d'une personnalité, d'un événement, d'un lieu ou d'un fait au cœur de l'actualité.
Article rédigé par franceinfo, Marie Dupin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Des bouteilles de cidre breton. Image d'illustration. (CHRISTIAN WATIER / MAXPPP)

La bouteille de cidre français se retrouve au cœur de débats agité. "Sacrilège ! Révolte ! Un projet de la Commission européenne envisage d’autoriser l’ajout d’eau dans la composition du cidre", peut-on lire ces derniers jours sur les réseaux sociaux. Au cœur de cette "révolte", la filière du cidre breton, inquiète pour l'avenir de la bouteille de cidre française et espagnole. La France et l’Espagne qui sont les berceaux du cidre puisque contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, le cidre est né du côté du pays basque, espagnol et non en Bretagne ou en Normandie.

Et selon les producteurs en colère, la France a la une réglementation la plus contraignante au monde sur la production de cidre. Avec une règle simple : le cidre ne devrait être constitué que de pommes. Contrairement au "cider" anglo-saxon, mélange d’un peu de pommes et de beaucoup d’eau et de sucre, le cidre français serait un cidre pur, produit issu uniquement de la fermentation des pommes. Or, selon les producteurs bretons, l'Union européenne pourrait mettre à mal toute la filière avec un nouveau projet de norme européenne sur la fabrication de cidre. La Commission européenne affirme, de son côté, qu'à ce stade, "il n’y a pas de projet dans les tuyaux, seulement un rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil (qui regroupe les Etats membres de l’UE) pour avoir leur avis sur l’opportunité de règlementer les normes de commercialisation du cidre."

De l'eau dans le cidre ?

Pourtant, dans un communiqué, la maison cidricole de Bretagne qui représente des dizaines de cidriculteurs et de producteurs de pommes s’oppose fermement à "l’inclusion de l’eau dans la définition du cidre". En toile de fond, la crainte de voir débarquer dans les rayons des supermarchés français des hectolitres de "cider" anglo-saxon sous l’appellation cidre. Les producteurs français sont bien décidés à garder les bénéfices d’un marché en pleine croissance pour leur pomme.

Mais si on y regarde de plus près, la réglementation française sur le cidre est-elle si stricte ? Le décret de 1953, qui définit la production de cidre en France, autorise de nombreux procédés industriels comme la gazéification, la pasteurisation, et même "l’utilisation de moûts de pommes concentrés avec ou sans addition d’eau" ! De l’eau dans le cidre ? Scandale ! Révolte ! Pourtant, c’est une réalité. Une bouteille de cidre français peut déjà contenir jusqu’à 50% de jus concentré avec de l’eau ajoutée ! Et ça n’est même pas indiqué sur l’étiquette. Les représentants de la filière assurent que l’ajout de concentré serait une pratique mineure, que la plupart des bouteilles seraient 100% pur jus. Impossible cependant de savoir quel est le pourcentage de cidre français avec de l’eau ajoutée.

Certains producteurs ajoutent même qu'une éventuelle réglementation européenne ne changerait rien au marché actuel : les Français peuvent déjà acheter du cidre étranger qui n’est pas 100% jus de pommes. S’il y a une réglementation – ce qui n’est pas encore décidé du tout – la seule différence est qu’il pourra y avoir une meilleure information pour les consommateurs. Cela fait d’ailleurs des années que les associations de consommateurs et des cidriers indépendants réclament davantage de transparence, et l’obligation d’indiquer la liste des ingrédients sur la bouteille. Un nouveau décret plus contraignant est dans les cartons depuis des années, mais il est pour l’instant resté lettre morte. 

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