Cet article date de plus de trois ans.

Au Liban, la photo virale d'une petite orpheline de la route

L'histoire derrière une photo qui a circulé toute la semaine sur les réseaux sociaux libanais et qui a secoué le pays.

Article rédigé par Aurélien Colly - Edité par Frederic Wittner
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
La photo de la petite Judy dans les bras d'un secouriste de la Croix-Rouge libanaise, décembre 2020 (CAPTURE D'ECRAN PAGE FACEBOOK ASSOCIATION YASA)

C'est la photo d’un jeune secouriste de la Croix-Rouge libanaise, assis dans une ambulance, qui serre fort dans ses bras une petite fille, enroulée dans une couverture. Cette petite fille s’appelle Judy, elle a 1 an et 4 mois ; et derrière ce cliché, il y a une tragédie familiale et une tragédie nationale.

La tragédie familiale, c’est que Judy est orpheline : quelques minutes avant la photo, son papa et sa maman, âgés respectivement de 36 et 34 ans, ont été tués dans un accident de la route dont elle a réchappé, protégée par le corps de sa mère. La famille roulait paisiblement quand un bolide qui arrivait sur l’autre voie a perdu le contrôle, heurté un mur puis le véhicule de la famille.

L'insécurité routière, une tragédie nationale

Cette photo illustre le drame que connaissent des dizaines et des dizaines de familles libanaises chaque année. La mortalité routière est extrêmement élevée : trois fois plus de morts pour 100 000 habitants qu’en France. Le pays est pourtant petit, 80 km de large sur 200 km de long, mais c’est "l'un des pires de la région", d’après l’Association de défense de la sécurité routière. C’est elle d’ailleurs qui a tweeté en premier la photo de la petite Judy, pour tirer la sonnette d’alarme. 

Comment expliquer ce constat ? D'abord, les infrastructures. Elles sont en mauvais état, pas entretenues par l'État, qui est en faillite et miné par la corruption. Elles sont aussi sous-dimensionnées par rapport au trafic, ce qui occasionne des embouteillages quotidiens, épuisants, dans lesquels les Libanais perdent leurs nerfs.
Les conducteurs, justement : au Liban, chacun n’en fait qu’à sa tête, convaincu que la route lui appartient. On téléphone, on ne porte pas de ceinture, on n’attache pas les enfants, qu’on croise même sur des motos, sans casque. Ici, exceptionnel est celui qui respecte le code de la route. Aucun scrupule à doubler par la droite, brûler un feu ou dépasser la vitesse autorisée. Une forme d’anarchie routière…

Laisser-faire de l'État

Ici, pas de radars, quasiment jamais de contrôle ou d’amende. On peut brûler un feu devant un policier, les chances qu'il réagisse sont minimes. On peut rouler avec une "poubelle", de nuit, sans phares, c’est pareil.
Et cela dit peut-être aussi quelque chose du Liban : un pays où l'État ne remplit pas ses fonctions, et où ses citoyens, enfermés dans leur bulle, en voiture, oublient les règles élémentaires du civisme pour des comportements individualistes et souvent très dangereux.

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