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Au Mexique, les meurtres de journalistes se multiplient et restent impunis : "Beaucoup d'entre nous optent pour le silence"

Janvier a été un mois sinistre pour la presse au Mexique : quatre journalistes ont été assassinés. Plusieurs manifestations ont eu lieu à travers le pays pour réclamer la fin des attaques contre la presse.

Article rédigé par franceinfo - Emmanuelle Steels, édité par Ariane Schwab
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un mémorial dressé le 5 mai 2012 par des journalistes à Mexico en hommage à leurs confrères assassinés. (STRINGER / MAXPPP)

Pas moins de quatre journalistes ont été assassinés en janvier au Mexique. Roberto Toledo a été tué le 31 janvier. Il travaillait pour un média local dans le centre du pays, à Zitacuaro, où il dénonçait la corruption des autorités municipales. Quelques jours plus tôt, trois journalistes étaient assassinés, dont deux à Tijuana, une ville du nord.

Le phénomène n’est pourtant pas nouveau : le Mexique est considéré comme le pays le plus dangereux au monde pour l’exercice du journalisme. Mais les journalistes mexicains sont sidérés par une telle violence. Quatre assassinats coup sur coup, c’est brutal, surtout que Lourdes Maldonado et Roberto Toledo, deux victimes de janvier, avaient dénoncé des menaces à leur encontre.

>> Projet Cartel : enquête sur la mort de la journaliste mexicaine Regina Martínez, assassinée sur fond de narco-politique

Au Mexique aujourd’hui, les journalistes ont l’impression d’avoir une cible dans le dos. Certains optent pour l’exil : c’est le cas de Jesús Lemus, qui a quitté le pays après avoir reçu des menaces de mort. Il décrit justement la terreur qui s’est emparée de la profession. "Aujourd’hui, les journalistes ont très peur. Quand on enquête, la première idée qui nous vient en tête, c’est : 'qui va se sentir attaqué par mon travail?' Et à partir de là, beaucoup de journalistes optent pour le silence." 

Des crimes commandités par les autorités locales liées au crime organisé

Qui se cache derrière ces crimes ? Les suspects les plus vraisemblables sont les cartels, les narcos, le crime organisé. La réalité est plus complexe : selon des enquêtes indépendantes effectuées par des organisations de défense de la presse, la majorité des agressions et des assassinats de journalistes sont le fait de représentants des autorités municipales ou régionales. Car c’est à l’échelon de pouvoir le plus bas que les liens de corruption avec le crime organisé sont les plus étroits. Et, en conséquence, l’implication des autorités explique l’impunité des assassinats de journalistes, car on n’enquête pas sur ces crimes.  

Malheureusement le mécanisme de protection des journalistes mis en place par le gouvernement fédéral il y a neuf ans s’est révélé inefficace. Plusieurs journalistes qui bénéficiaient de protection policière, comme par exemple Lourdes Maldonado, ont malgré tout été assassinés. Conséquence de cette vulnérabilité des journalistes : beaucoup de médias mexicains ont décidé de ne plus dénoncer des affaires de corruption afin de protéger la vie de leurs employés. La société mexicaine semble ne pas comprendre la portée de ces attaques, d'après Jesús Lemus : "La société risque de ne pas avoir accès à l’information parce qu’on tue les journalistes".     

"Il n’y a pas de conscience collective réelle de ce qu’implique le silence."

Jesús Lemus, un journaliste mexicain exilé

à franceinfo

Jesús Lemus envisage de rentrer au Mexique quand l’impunité des crimes aura pris fin et qu’il existera de vraies mesures de protection pour les journalistes menacés.

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