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Aux États-Unis, la presse en crise sacrifie ses photographes professionnels

Un quart des titres de presse américains ont disparu en 15 ans, les effectifs des rédactions divisés par deux. Principales victimes : les photographes. Une association a décidé de les subventionner.

Article rédigé par franceinfo - Loïc Pialat, édité par Ariane Schwab
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
CatchLight subventionne aux États-Unis les photographes de presse locaux, principales victimes de la crise de la presse (illustration). (MAXPPP)

La crise de la presse sévit aussi aux États-Unis et fait des ravages dans les rédactions qui ont vu le nombre de leurs employés divisé par deux et un quart des journaux disparaître ces quinze dernières années. L’une des principales victimes de la crise est l’image, et ceux qui la font, les photographes. L’association CatchLight, à San Francisco, a tenté un pari : celui de subventionner des photographes dans des rédactions pour montrer leur valeur et celle de l’image à l’échelle locale.

La directrice de CatchLight est une Franco-Américaine, Élodie Mailliet-Storm. Elle connaît parfaitement la photographie pour avoir travaillé dix ans chez Getty, une agence de référence. Elle veut lutter contre ce qu’elle appelle les "déserts d’image". "Quand ils ont dû couper leur budget, ces médias locaux ont commencé par couper leurs journalistes visuels en pensant qu’après tout, tout le monde peut prendre une photo, ou est-ce qu’on ne peut pas aller chercher des photos sur Intagram ?', explique-t-elle.

"Il y a un appauvrissement assez important du journalisme visuel au niveau local, ce qui n’a pas aidé les communautés locales à se voir représentées dans la presse d’une façon nuancée ou représentées du tout."

Élodie Mailliet-Storm, directrice de CatchLight

à franceinfo

Pour pallier le problème, CatchLight a payé le salaire pendant plusieurs mois de trois photographes dans des rédactions qui n’avait plus de véritable service photo. Au Salinas Californian, un quotidien dans une région rurale du sud de San Francisco, l’association a constaté que les lecteurs passaient 30 % de temps en plus sur un article accompagné d’une photo professionnelle. La connexion émotionnelle était plus forte. Résultat, deux des trois photographes subventionnés ont été engagés à l’issue du programme.

Yesica Prado travaille à temps plein pour le site San Francisco Public Press maintenant. "Avant, tous les journalistes devaient trouver eux-mêmes une image pour leur article mais c’était difficile parce qu’ils ne sont pas photographes. Là, les seules images originales qu’il y a sur le site sont les miennes, se réjouit-elle. On utilisait aussi des photos d’archives mais les stocks s’épuisent et les mêmes photos se retrouvent dans des articles différents."

La philanthropie pour contrer la désinformation

Encouragée, l’association CatchLight a débloqué deux millions de dollars pour prolonger l’expérience avec de nouveaux photographes.

Élodie Mailliet-Storm souligne qu’au-delà du simple exemple de CatchLight, la philanthropie dans les médias s’est renforcée face à la désinformation rampante depuis l’élection présidentielle de 2016. Il n’y a pas vraiment de service public à la française, financé par l’État, dans les médias américains.

La philanthropie ressemble à une alternative séduisante quand le modèle traditionnel d’un journal financé grâce à la publicité est menacé par l’emprise de Google et Facebook sur le secteur. Les deux géants dominent plus de 75 % du marché de la publicité en ligne à l’échelle locale. Et à Washington, le Congrès planche sur un crédit d’impôt pour inciter la PQR américaine à recruter plus de journalistes.

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