En direct du monde. La gestion des déchets, un poison pour l'Albanie
Le gouvernement albanais veut faire adopter une loi permettant l’importation de déchets étrangers, alors que le pays a déjà du mal à gérer les siens.
La gestion des déchets n’en finit pas d’empoisonner l’Albanie. Le gouvernement veut faire adopter une loi permettant l’importation de déchets étrangers. Or, le pays a déjà bien du mal à traiter ses propres ordures. Le tri sélectif est quasiment inexistant, aucun incinérateur n’est en fonction, et la plupart des ordures finissent donc dans des décharges ouvertes, où quelques Albanais dans la misère tentent de survivre en triant ce qui peut être revendu à des entreprises de recyclage.
Ce sont ces entreprises qui, paradoxalement, réclament une loi encadrant l’importation des déchets, puisqu’elles affirment travailler en sous-régime, du fait du manque de matière première.
L'importation des déchets existe mais est mal encadrée
Pourtant l'Albanie importe déjà des déchets. Depuis la fin du régime communiste, il y a un quart de siècle, le pays a largement accepté des déchets venant de l’étranger, principalement d’Italie, où l’on sait que la gestion des ordures est souvent contrôlée par des réseaux mafieux. Les gouvernements qui se succèdent, de droite comme de gauche, se repassent la patate chaude, en promettant tous d’y mettre fin, ou du moins d’encadrer cette activité.
En théorie, seule est permise l’importation de certaines catégories précises de "matières premières issues du recyclage" destinées à connaître une nouvelle transformation – du papier, du bois, des métaux, du plastique – mais l’actuel gouvernement social-démocrate veut aller plus loin. Il y a deux ans, il avait envisagé de permettre l’importation et le recyclage d’armes chimiques syriennes, projet repoussé en raison de la très forte mobilisation de la société civile.
L'activité pourrait être rentable, avance le gouvernement
La nouvelle loi, en théorie très attachée aux préoccupations environnementales, vise à organiser l’ensemble du système de collecte des déchets, mais elle ouvre une fenêtre à l’importation, ce qui provoque à nouveau de vives protestations dans l’opinion.
Le projet est impopulaire, mais le gouvernement tente de l'imposer. Les arguments du gouvernement pour imposer ce projet tournent autour de deux idées. Il vaudrait mieux organiser cette activité plutôt que de la laisser se développer sans cadre de régulation, et l’Albanie est un pays très pauvre, qui ne peut pas négliger la moindre occasion de développer un secteur économique potentiellement rentable.
L'ombre de la mafia italo-albanaise
Alors que Tirana est candidate à l’intégration européenne, le gouvernement affirme aussi que le tri et le recyclage sont des obligations posées par l’Union européenne, ce qui est exact, mais ce qui ne suppose en rien que l’Albanie doive importer des déchets étrangers.
En réalité, beaucoup d’analystes soupçonnent de lourdes connexions économico-mafieuses. Ainsi, quelques jours avant que la loi ne soit présentée au Parlement, une compagnie mixte italo-albanaise avait été créée pour la collecte des déchets de Tirana et de la ville italienne de Vérone. Les militants de la société civile sont donc vent debout, refusant que leur pays devienne la poubelle de l’Europe.
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