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Recherche nucléaire : le "futur collisionneur circulaire", un tunnel de 91 kilomètres à 200 mètres sous terre, entre la France et la Suisse

Ce FCC doit permettre de prendre le relais le grand collisionneur de hadrons (LHC), et de faire progresser la science. La mise en service est espérée en 2045, mais certains critiquent un projet "daté" et énergivore.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le Futur Collisionneur circulaire (FCC) sera plus de trois fois plus grand que son prédécesseur, le LHC (en français grand collisionneur de hadrons). (HANDOUT / EUROPEAN ORGANIZATION FOR NUCLEA)

Un tunnel de 91 kilomètres, enfoui 200 mètres sous terre, entre Genève et Annecy, sous le lac Léman et le Rhône : c’est le projet fou du Cern. L’organisation européenne pour la recherche nucléaire vient de lancer l’étude de faisabilité de son prochain accélérateur de particules. Nom de code : FCC, pour futur collisionneur circulaire. 

On connaissait son prédécesseur, le Large Hadron Collider (LHC), le grand collisionneur de hadrons, en français, cet anneau de 27 kilomètres de circonférence où les scientifiques font s’entrechoquer des protons à une vitesse proche de celle de la lumière. C’est comme ça qu’ils ont découvert, il y a dix ans, une nouvelle particule : le boson de Higgs. Véritable chaînon manquant du modèle standard de la physique qui décrit toutes les lois de l’Univers – excusez du peu. Mais voilà, le LHC vieillit, explique le physicien Patrick Janot : "Imaginons qu'on éclaire un être humain, ce qu'on va voir, ce sont les boutons par exemples. Si on augmente l'énergie et qu'on passe aux rayons X, on va pouvoir voir le squelette, les fractures. Si on passe au microscope électronique, on va pouvoir commencer à voir l'intérieur des cellules, et peut-être même les maladies génétiques de la personne. C'est exactement ce qu'on va faire avec l'anneau de 91 kilomètres : on va augmenter la précision des mesures d'un facteur 100, et l'énergie d'un facteur 10. On va peut-être pouvoir voir les maladies génétiques du boson de Higgs."

C’est là que le FCC, sorte de super-microscope du Big Bang, entre en scène. Le Cern doit encore valider le projet, mais c’est bien parti : 100 millions d’euros ont déjà été mis sur la table pour l’étude de faisabilité qui va durer deux ans. La construction prendra elle plus de dix ans. Si tout va bien la mise en service est prévue autour de 2045.

Tant pis pour la sobriété énergétique

Les travaux sont quant à eux, titanesques. Il va falloir creuser. Beaucoup. On parle de presque 9 millions de mètres cubes de terre à excaver. Qu’est-ce qu’on en fait ? Le Cern ne le sait toujours pas. Il va également falloir trouver un accord avec les riverains et les communes pour installer les huit puits de surface qui permettent d’accéder à l’installation. Et puis il y a la question de l’énergie. Un accélérateur de 91 kilomètres ça consomme. "Il faut relativiser, le Cern consomme de l'énergie électrique, ça correspond à peu près à 40 % de la ville Genève, affirme Jean-Paul Burnet, ingénieur au Cern. Après, avec le FCC, ça va encore augmenter un peu, mais on reste dans le même ordre de grandeur. Le Cern, c'est l'équivalent d'un paquebot de croisière en termes de consommation d'énergie, je pense que c'est acceptable pour l'humanité, pour un projet tel que celui-ci, pour développer la connaissance."

Sauf que tout le monde n’est pas de cet avis. Surtout pour une machine dont on ne sait pas si elle donnera des résultats tangibles. Jean-Bernard Billeter est ingénieur, il a réalisé un rapport sur le FCC pour l’association de protection de l’environnement Noé 21, et il critique un projet daté à l’heure de la sobriété énergétique. "En fait, c'est s'arroger le droit de dire : faites vos efforts collectivement, mais au passage, on vous pique quatre térawattheures par année, ça vaut la peine parce que nous sommes les héritiers de Galilée, d'Einstein... Mais il y a un moment, il faut lever le pied !"

"Ce n'est pas le bon moment pour venir avec une machine encore plus grosse que la plus grosse machine du monde."

Jean-Bernard Billeter

à franceinfo


La question environnementale est donc importante. Mais l’enjeu est aussi politique : selon le Cern, si l’Europe ne construit pas le prochain plus grand accélérateur de particules au monde, c’est la Chine qui le fera.

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