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Témoignage
"Jihad de l'amour" : en Inde, une théorie du complot anti-musulman largement diffusée par les nationalistes hindous

Selon le parti au pouvoir, les musulmans essaieraient de convertir les femmes hindoues en les épousant. Plusieurs Etats ont adopté des lois qui criminalisent ainsi toute conversion religieuse par le mariage. franceinfo a rencontré un couple qui a dû fuir de sa région pour s'unir.
Article rédigé par franceinfo, Sébastien Farcis
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2min
Une fiancée musulmane indienne pris en photo lors de son mariage à Ahmedabad (Inde), le 5 février 2023. (SAM PANTHAKY / AFP)

Ils se sont rencontrés quand ils avaient 16 ans et au bout de 10 ans de relation cachée, ils décident de se marier. Mais c'est là que la réalité les rattrape. Car elle est hindoue et lui musulman. Dans leur région de l'Uttar Pradesh, au nord de l'Inde, cet amour est tabou.

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Megha se confie, sous un nom d'emprunt : "Quand ma sœur a appris que je voulais épouser un musulman, elle m'a rejeté. Puis, ma famille a voulu me marier de force avec un hindou. Nous avons donc fui à New Delhi. Mais mon beau-frère, qui est policier, a fait arrêter l'oncle de mon fiancé. Il a été torturé pendant quatre jours, pour nous obliger à revenir".

"Nous avions très peur, car tout le monde parlait alors de 'Jihad de l'amour'".

Megha

à franceinfo

C'était il y a deux ans : l'Etat de l'Uttar Pradesh venait alors de passer un décret qui punit de peine de prison toute conversion religieuse par le mariage, ce qui rend ces unions entre hindous et musulmans très périlleuses. La police interrompt les cérémonies, voire détruit les maisons des musulmans, accusés de vouloir convertir les femmes hindoues. Une théorie du "Jihad de l'amour" alimentée depuis trois ans par le BJP, le parti nationaliste hindou au pouvoir.

Bien que n'ayant jamais été prouvée, elle a poussé plusieurs Etats dirigés par la formation du Premier ministre Narendra Modi à adopter des lois qui criminalisent toute conversion religieuse par le mariage. Megha et son fiancé ont trouvé refuge dans l’Etat de Delhi, plus tolérant, où un juge leur fournit une protection policière pendant plusieurs mois, avant d'enregistrer finalement leur mariage.

Des mariages interreligieux encore plus rares

Leur cas est de plus en plus fréquent : quatre autres Etats dirigés par les nationalistes hindous du BJP ont passé ces lois très répressives. À chaque fois, les élus affirment vouloir lutter contre la volonté supposée des musulmans de convertir les femmes hindoues en les épousant. Or le ministère de l'Intérieur a lui-même reconnu n'avoir aucune donnée pour affirmer qu'un tel plan existe. Et Megha ne s'est pas convertie à l'islam après son mariage.

Mais ces législations offrent une crédibilité à cette théorie complotiste et offre des outils supplémentaires à la police pour harceler davantage les musulmans qui tomberaient amoureux d'hindoues. Les mariages interreligieux étaient déjà rares et compliqués en Inde, l'objectif semble de les empêcher complètement, afin d'éviter un mélange pacifique entre les deux plus grandes religions du pays.

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