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En un mot : la prison, drôle d'endroit pour une rencontre entre surveillants et radicalisés

Le mot de l'actu du jour est surveillant. Cela n'aura échappé à personne. Surtout pas à Nathalie Bourrus.

Article rédigé par Nathalie Bourrus
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
  (DENIS CHARLET / AFP)

Ils se cognent aux murs de leurs lieux de travail. Drôle de job : une prison. Les surveillants ont monté des barricades, enflammé des pneus, crié leur désarroi. Jeudi dernier, un djihadiste présumé a attaqué des gardiens de prison à Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais. Le patron de l'établissement pénitentiaire a présenté sa démission, lundi 15 janvier.

Le mot du jour est donc : surveillant, qui vient du latin vigilia, qui signifie "veille, insomnie, garde de nuit".

Les surveillants de prison sont remontés comme des pendules. Pendules, qui ont le sentiment de tourner en rond. Certains pris de panique, face à ceux que l’on appelle "radicalisés". Et il y a de quoi. Radicalisé… le terme fait l’objet de multiples réflexions, prises de paroles, prises de tête et prises de bec… débat sur débat sur les plateaux télé… livres d’experts (ou pseudo)… témoignages exclusifs (ou parait-il exclusifs)… Bref : le radicalisé (ou considéré comme tel) est un presque ovni, une matière de toutes les attentions et autres peurs, pour le monde politique, journalistique, etc.

Alors, que dire du surveillant pénitentiaire ? Celui ou celle, enfermé, cloîtré avec des détenus, de nuit comme de jour. Que dire de leurs interrogations et flips sur "le radicalisé". Eh bien, ils le disent, aujourd’hui : ça ne va pas du tout. "Avant, on avait souvent affaire à du banditisme, petit ou grand. Ça, on connaît, on sait comment leur parler, comment s’y prendre. Mais là, on est face à une inconnue, on n’est pas formés pour ça". Témoignage de gardien de prison.

La mayonnaise a tourné, goût amer

Enfermés entre quatre murs, 180 000 serrures, des dizaines de tours de contrôles, des grilles et des écrous… les veilleurs ont la boule au ventre. Drôle de job. "On n’a pas souvent la vocation", avouent les plus courageux. C’est ce qu’ils me racontaient, quand j’y allais régulièrement, quand on nous donnait des autorisations de travailler librement dans les prisons (un autre monde…). "Pas de vocation… j’aurais préféré être flic, mais bon. J’ai un salaire, je terminerai à 2 000 balles c’est déjà pas mal, et puis je suis logé sur place", me confiait alors un surveillant.

Mais ça, c’était avant. C’était avant la radicalisation. Avant l’islamisme en taule. Avant de devoir affronter cette nouvelle catégorie de détenu inconnue au bataillon du surveillant. La mayonnaise pénitentiaire a tournée. Le goût est devenu amer, voire complètement indigeste. "Avant, il y avait deux mondes : les délinquants, et nous, racontent des gardiens de prison. Maintenant, il y a trois mondes… il y a, en plus, les radicalisés. On ne sait même pas ce que c’est un radicalisé ! On ne sait pas comment faire, à part se protéger."

Emmanuel Macron promet une révolution dans les prisons. Un plan global, dit-il. Nicole Belloubet, la ministre de la Justice, elle, va restituer ses chantiers de la justice, pour simplifier les procédures.

En un mot : dans les prisons, on est bien loin de trouver des raccourcis. La route paraît encore très longue. Avec l’impression de se cogner à des murs.      

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