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Anne Hidalgo, Fabien Roussel : le rassemblement… demain ?

Candidats de gauche, Anne Hidalgo et Fabien Roussel sont séparés par leur programme autant que par leur style, mais unis par un même objectif : ils prétendent chacun rassembler leur camp… au lendemain des élections !

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
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Quand on cherche à analyser le discours d’un orateur ou d’une oratrice, la première question à se poser c’est : de quoi cette personne cherche-t-elle à nous convaincre ? Quel est son projet rhétorique ? Alors, en période électorale, la réponse à cette question coule généralement de source. La majorité des candidats veulent nous convaincre de voter pour eux dans l’espoir d’être élus. Certains assument une candidature de témoignage. Ils désirent simplement bénéficier d’une forte exposition pour porter leurs idées – nous aurons l’occasion d’y revenir dans les jours qui viennent.

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Mais lors de cette présidentielle, certains candidats innovent ! Ils assument de solliciter nos voix afin… qu’ils puissent être éventuellement élus dans 5 ans ! On l’a vu lundi avec Yannick Jadot, qui camouflait cette idée derrière une formule alambiquée, "il faut rendre l’écologie plus forte". Anne Hidalgo utilise la même justification mais en prenant moins de pincettes ! La candidate du Parti socialiste était mardi 29 mars invitée sur France Inter. Voilà ce qu’elle répond quand on lui demande si elle envisage de retirer sa candidature en faveur des autres candidats de gauche. "Bien sûr que l'union de la gauche, l'union des forces écologiste et de gauche est quelque chose qu'on aurait du pouvoir faire avant. Je crois qu'il y a un travail à reprendre. Je pense que cette proposition de cette gauche républicaine, laïque, européenne, écologiste et sociale que je porte est celle qui peut à l'avenir, bien sûr, permettre à la gauche et aux écologistes de revenir au pourvoir." 

Des concepts similaires

La proposition qu’Anne Hidalgo porte est celle qui peut, à l’avenir, permettre à la gauche de revenir au pouvoir. "Revenir au pouvoir… à l’avenir !" Nous sommes encore en pleine campagne présidentielle, et Anne Hidalgo nous demande de voter pour elle afin qu’elle soit bien placée pour un éventuelle futur rassemblement hypothétique de la gauche !  Et alors, quelle gauche, me demanderez-vous ? Elle nous le dit, la gauche "républicaine, laïque, européenne, écologiste et sociale". Ce sont évidemment des concepts mobilisateurs, des mots creux, vide de sens mais connotés positivement, bref : des étiquettes, et c’est pour soutenir ces étiquettes dans la perspective très incertaine de 2027 qu’Anne Hidalgo sollicite nos suffrages. Une posture que l'on retrouve aussi chez Fabien Roussel. Invité mardi de franceinfo, le candidat du Parti communiste assume, lui aussi, de penser déjà à l'avenir. "Le 10 avril, ils peuvent aussi voter pour l'avenir et pour la suite et moi je veux aussi incarner ça. Incarner, cette gauche populaire, républicaine, laïque, qui a mis les pieds dans le plat. Et je vais vous dire une dernière chose, moi je n'ai pas envie d'être le grand chef de l'opposition. Je veux être le grand chef du rassemblement. Et d'ailleurs, pas le chef tout court. Je souhaite qu'on puisse se rassembler demain pour construire."

Fabien Roussel est tout aussi explicite qu’Anne Hidalgo ! Voter pour lui le 10 avril, ce serait surtout penser à l’avenir, à demain, pour lui permettre de se poser en "grand chef du rassemblement" : l’expression lui échappe, certes, il la retire, mais elle révèle assez nettement le fond de sa pensée. Quant à la gauche qu’il prétend incarner: une gauche "populaire, républicaine, laïque"… On retrouve une brochette de concepts mobilisateurs, à peu près les même d’ailleurs que chez Anne Hidalgo. 

On peut en tirer deux enseignements. Le premier, c’est que les candidats de gauche se revendiquent tous des mêmes étiquettes, tout en prétendant que ces étiquettes les singularisent : c’est la preuve que nous sommes davantage face à un clivage de personne que d’idéologie. Le second, c’est que l’ensemble de ces candidates et candidats insistent sur l’urgence écologique et sociale de transformer le pays… tout en assumant plus ou moins explicitement d’instrumentaliser l’élection présidentielle de 2022 comme un tremplin pour celle de 2027 ! Il semble y avoir là une certaine tension, voire, peut-être, une inconséquence. Alors, on peut au moins reconnaître à la gauche, la palme de l'originalité. Entre vote stratégique et vote de conviction, voilà désormais le vote de conviction stratégique... mais pour la prochaine élection. 

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