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Emmanuel Macron, Marine Le Pen : la rhétorique du rassemblement

Au lendemain du premier tour de la présidentielle, retour sur les discours d'Emmanuel Macron et de Marine Le Pen, les deux candidats qualifiés. L'un et l'autre ont choisi la même stratégie : la rhétorique... du rassemblement

Article rédigé par franceinfo
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Clément Viktorovitch, sur franceinfo, lundi 11 avril 2022. (FRANCE INFO / RADIO FRANCE)

Au premier tour, on choisit. Au second tour, on élimine ! C’est ainsi, en deux petites phrases, que peut être résumé le mode de scrutin uninominal à deux tour qui règle notre élection présidentielle. Et cette maxime, Emmanuel Macron et Marine Le Pen l’ont bien compris : ils ont chacun décidé de rassembler avec eux, certes, mais surtout contre l’autre !

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Commençons par Emmanuel Macron. Alors c’est vrai que ce qui frappe, au premier abord, dans son discours porte de Versailles après sa qualification pour le second tour de l'élection présidentielle, c’est surtout ceci : "Voulons-nous d'une France indépendante parce que forte sur le plan scientifique ? Voulons-nous d'une France qui par le plein emploi et par le sérieux est capable de financer son État providence ?, liste Emmanuelle Macron. Voulons-nous d'une France qui relève le défi climatique et écologique ? Voulons-nous d'une France plus juste ? Voulons-nous d'une France qui face aux crises en cours et à venir continue de faire confiance à la science, à la raison, à la compétence, comme nous l'avons fait ces derniers mois et ces dernières années ? 

Cette figure de style, vous l’avez sans doute reconnue, c’est une anaphore : une suite de segments qui commencent tous par le même mot ou le même groupe de mots. L’exemple le plus connu, c’est bien sûr le "moi, président de la République", de François Hollande. Alors, en meeting, c’est un procédé aussi rudimentaire qu’efficace : l’aspect rythmique et répétitif de la figure permet généralement de soulever l’enthousiasme du public. Sauf quand c’est un peu trop gros et trop forcé, auquel cas on obtient ce qui s’est passé dimanche 10 avril : le terrible "ouiiii" de circonstance.  

"Inventer quelque chose de nouveau"

Techniquement, le discours était discutable, d’autant qu’il était structuré ensuite par toute une série d’autres anaphores, qui n’ont pas suscité beaucoup plus d’enthousiasme que la première. Mais l’essentiel, selon moi, est ailleurs. Emmanuel Macron s’est notamment adressé aux responsables politiques qui se sont opposés à lui. "Je souhaite tendre la main à tous ceux qui veulent travailler pour la France, affirme Emmanuel Macron dans ce même discours. Je suis prêt à inventer quelque chose de nouveau pour rassembler les convictions et les sensibilités diverses afin de bâtir avec eux une action commune au service de notre Nation pour les années qui viennent." 

Emmanuel Macron veut "tendre la main". Fort bien : nous voilà donc dans la thématique du rassemblement. Mais tendre la main à qui ? "Tous ceux qui veulent travailler pour la France" : voilà qui est très clair… Dans quel but ? "Inventer quelque chose de nouveau". Quelque chose, notez-le bien, c’est d’une précision chirurgicale. Et quelque chose, pour faire quoi ? "Rassembler les convictions et les sensibilités diverses, afin de bâtir avec eux une action commune au service de notre Nation pour les années qui viennent" : c’est, bien évidemment, d’une limpidité diaphane.  Ce que nous avons là, ce ne sont même pas des concepts : ce sont des généralités totalement vides de sens. Pour s’opposer à Marine Le Pen, Emmanuel Macron cherche à susciter le plus de ralliements possibles, sans pour autant laisser entrevoir le début du commencement d’une concession sur le fond de sa politique.

Marine Le Pen a aussi développé le thème du rassemblement, avec une nuance près : ce qu’elle entend rassembler, ce ne sont pas les responsables politiques, mais le peuple. "J'appelle tous les Français de toutes sensibilités, de droite, de gauche et d'ailleurs, les Français de toutes origines à rejoindre ce grand rassemblement national et populaire, insiste Marine Le Pen, lors de son discours de ralliement depuis son QG de campagne, dans le 16e arrondissement de Paris. Tous ceux qui aujourd'hui n'ont pas voté pour Emmanuel Macron ont bien sur vocation à rejoindre ce rassemblement."

"Le grand rassemblement national et populaire"

Marine Le Pen tente donc de transformer le second tour en un référendum contre Emmanuel Macron. Elle appelle les français à utiliser leur bulletin de vote pour faire battre le président sortant. C’est ni plus ni moins qu’un front républicain à front renversé. Et elle habille cela d’une formule redoutable : "le grand rassemblement national et populaire".

Le Rassemblement national, son parti, encore très clivant, se voit agrémenté de deux adjectifs supplémentaire : il est "grand", pour dire qu’il ne s’agit plus seulement du parti originel de Marine Le Pen, et surtout il est populaire. Un clin d’œil explicite aux électeurs de Fabien Roussel et, surtout, de Jean-Luc Mélenchon et son "union populaire". L’expression parvient à être à la fois cohérente et innovante : "Grand rassemblement national et populaire" . Politiquement, ce n’est pas plus précis que le "quelque chose de nouveau" prôné par Emmanuel Macron. Rhétoriquement en revanche, cela pourrait bien être redoutable.

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