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"Incohérence, offense, politicaillerie"… L’union de la gauche vue par sa droite

Depuis quelques jours, les responsables du camp présidentiel redoublent de critiques contre cette alliance, dont le protocole est actuellement en discussion. Ils en dénoncent l’absence de cohérence. L’efficacité de ces attaques peut laisser songeur.

Article rédigé par franceinfo
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Clément Viktorovitch dans Entre les lignes, sur franceinfo, le 2 mai 2022. (FRANCE INFO / RADIO FRANCE)

Branle-bas de combat en Macronie ! Le processus d'union à gauche en vue des législatives est en cours, entre La France insoumise, Europe Ecologie Les Verts et, peut-être bientôt, le Parti socialiste et le Parti communiste. Plus la perspective de ce rapprochement se précise, et moins les proches d’Emmanuel Macron retiennent leurs coups. Témoin ce petit florilège de ce que l’on a pu entendre depuis vendredi 29 avril dernier. "Je vois aujourd'hui la gauche Républicaine qui a le choix entre la soumission aux insoumis ou l'éradication", assure Patrick Mignola sur franceinfo / "Refuser cette soumission à la France insoumise. Abandonner leurs valeurs," note Aurore Bergé sur RFI. / "C'est tellement incohérent. Une telle injure. C'est quelque chose qui me paraît une offense à la démocratie", renchérit François Bayrou sur France 3.  Enfin pour Eric Woerth qui réagit sur Europe 1 : "Idéologiquement il n'y a aucune cohérence. C'est des accords de politicaillerie." Incohérence, abandon des valeurs, politicaillerie, injure, soumission aux insoumis (c’est une polyptote) offense à la démocratie : rien que cela ! Nous assistons à une entreprise de disqualification massive, où aucune qualification péjorative ne semble trop outrancière.  

Vocabulaire dépréciatif et métaphores

Il me semble qu'il s'agit d'outrances. Parler d’offense à la démocratie, c’est peut-être un peu fort – nous y reviendrons. D’autant que les attaques ne se sont pas arrêtées à l’usage d’un vocabulaire dépréciatif. "Jean-Luc Mélenchon est en train de faire de l'union de la gauche un pâté d'alouette, affirme Patrick Mignola sur franceinfo. Prenez un cheval, prenez une alouette et vous allez en faire un pâté. Vous avez le cheval insoumis et l'alouette socialiste, et puis à la fin il dit que c'est l'union de la gauche, mais non." / "Ils sont en train de vendre leur âme, déclare Éric Woerth sur LCI. Ils n'ont pas franchi le gouffre, ils sont en train de tomber dans le gouffre, c'est pas pareil." / "Il faut de la clarté et il faut dire la vérité aux gens. La carpe ce n'est pas le lapin comme dit le proverbe français, malgré tout c'est vrai," explique pour sa part Emmanuel Macron lui-même, lors d’un déplacement. Ainsi, ils sont allés chacun de leur petite métaphore. 

Vendre son âme, tomber dans le gouffre, le pâté de cheval et d’alouette, l’alliance de la carpe et du lapin, c’est un festival de métaphores pour dire, au fond, la même chose. L’alliance n’aurait aucune cohérence, et le Parti socialiste serait en train de trahir ses valeurs. Ces critiques frappent là où ça fait mal ! Après tout, Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Fabien Roussel et Anne Hidalgo ont passé des mois de campagne à nous expliquer que leurs quatre candidatures étaient justifiées, non par une simple guerre d’égo, mais bien par de véritables divergences programmatiques. De ce point de vue, La République en marche se contente d’instruire un procès en incohérence. C’est ce que l’on appelle une objection ad hominem, une mise en contradiction de l’adversaire avec lui-même, et elle ne me semble pas sans objet ici.

Divergences passées et rapprochement

Cela étant, on peut aussi retourner l’argument, en soulignant que, d’une part, la politique est affaire de compromis, et qu’une alliance va toujours de pair avec un certain nombre de concessions d’un côté, de l’autre, ou des deux. Les divergences du passées ne disqualifient donc pas, nécessairement, un rapprochement au présent. Et surtout, souvenez-vous : les soutiens d’Emmanuel Macron avaient beau jeu de mettre en avant, dans l’entre-deux tours, les convergences qu’il pouvait y avoir entre leurs valeurs et celles portées par Jean-Luc Mélenchon. Parler d’une alliance avec La France insoumise comme d’une offense à la démocratie, à peine quelques jours plus tard, semble donc un poil exagéré. Cette stratégie est-elle efficace ? C’est la bonne question, et pour le coup la réponse est assez évidente : non, je ne pense pas. Il existe un principe psychologique essentiel qu’on appelle la réactance. Pour le dire vite, plus des individus sentent s’exercer sur eux une pression pour faire quelque chose, plus ils risquent d’y être réticent. L’objectif de ces attaques, c’est  avant tout de tenter de dissuader les électeurs de gauche de se ranger derrière une éventuelle union. Mais elle est exercée avec une telle brutalité qu’elle pourrait bien finir par avoir l’effet inverse de l’effet recherché.    

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