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Jean-Luc Mélenchon : le renouveau du meeting politique ?

Tous les jours, Clément Viktorovitch décrypte les discours politiques et analyse les mots qui font l'actualité. 

Article rédigé par franceinfo
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Le candidat de La France insoumise à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, lors de son meeting "immersif et olfactif", à Nantes (Loire-Atlantique) le 16 janvier 2022 (SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP)

Le meeting "immersif et olfactif" de Jean-Luc Mélenchon, dimanche 16 janvier à Nantes, représente l’un des événements rhétoriques du week-end. 5000 personnes étaient réunies au sein d’un cube fermé par quatre écrans géants, tandis que des diffuseurs d’odeurs participaient à projeter les auditeurs dans plusieurs ambiances successives. Avons-nous assisté au futur des meetings électoraux ?

Ce n’est pas la première fois que Jean-Luc Mélenchon innove sur le plan de la technique, et souvent avec succès, il faut le dire. On pense bien sûr aux meetings holographiques : un peu gadget, certes, mais étonnants. On se souvient également de ses chaînes Youtube et Twitch, qui utilisent habilement les codes de ces plateformes. Mais on n’oublie pas non plus ses expérimentations sur TikTok et son meeting numérique de l’an passé, qui frôlaient le ridicule.

Qu’en est-il, alors, de ce "meeting immersif et olfactif" ? En ce qui concerne l’olfactif : d’après les témoignages sur place, c’était peu probant. En revanche, l’immersion, elle, fonctionne bien – à tout le moins en vidéo. Les quatre écrans géants, disposés tout autour des auditeurs, et de Jean-Luc Mélenchon, qui s’exprimait au centre de la salle, donnent réellement l’impression d’un horizon infini. Techniquement, c’était très maîtrisé, et même, disons-le, assez frappant.

Une véritable interaction 

Jean-Luc Mélenchon ne s’est pas contenté d’illustrer ses propos avec de jolis images : il a créé des tableaux avec lesquels il est entré en interaction. Je prends un exemple. Le premier thème, c’était l’espace. Les spectateurs ont soudain été téléportés au-dessus de l’atmosphère, avec la lune sur un écran, la station spatiale internationale sur un autre, et la Terre en immense sur toute une partie de la salle. Voilà ce que déclarait, au même moment, Jean-Luc Mélenchon: "C'est la Terre, voyez. La Planète Bleue. Ce n'est pas seulement notre maison commune, maintenant que nous autres êtres humains, nous sommes lancés à la conquête de l'immensité de l'espace. C'est le nid de l'humanité. Et c'est ce nid que par dessus tout il faut protéger. Regardez-le !"  Alors, sur la forme, on a une rhétorique assez classique pour Jean-Luc Mélenchon : comme à son habitude, il manie l’adresse directe "regardez-le !", l’hyperbole "les humains lancés à la conquête de l’immensité de l’espace", et la métaphore avec cette image : la Terre comme "nid de l’humanité".

Elle est habile, cette métaphore : un nid, c’est à la fois précieux, rassurant, unique… et fragile, d’où la nécessité de le protéger. Cela étant, l’idée de la Terre comme un nid, dans un meeting ordinaire, cela serait resté élégant, mais relativement théorique. Or, là, on a l’impression de voir la Terre à taille humaine, et soudain, cette fragilité apparaît avec une clarté renouvelée. J’ai le sentiment que, ici, l’immersion contribue à donner corps à la métaphore. 

L'exercice du meeting renouvelé

Pour le troisième thème du meeting, l'eau, les spectateurs ont alors eu le sentiment d’être transportés sur une île bordée par la mer, aux côtes léchées par les vagues. "Celle qui occupe 70% de la planète: La mer !, lance Jean-Luc Mélenchon. Thalassa, le cri de l'Expédition des Dix-mille, réapercevant la Mère des mondes, la mer Méditerranée. Regardez-la. Regardez sa puissance, sa force. Elle est là pour toujours, la nuit, le jour." On retrouve une succession d’interpellations : "La mer ! Thalassa ! Regardez sa puissance, sa force !". Et, là aussi, il me semble que les écrans apportent une réelle plus-value au discours. Alors que de telles exclamations auraient pu paraître déplacées dans une salle ordinaire, ici, Jean-Luc Mélenchon semble réellement être en train de discourir face à l’étendue des flots, ce qui autorise une emphase supplémentaire. Bref, pour moi, le dispositif immersif n’est pas qu’un gadget : il possède un véritable intérêt rhétorique.

Il y a plusieurs limites à cet exercice. Déjà, en termes de prise de parole, cela nécessite un orateur ou une oratrice capable de gérer une scène centrale, donc un meeting à 360° : nombreux s’y sont cassés les dents. Ensuite, il faut être capable de créer de véritables interactions avec les illustrations, sinon elles ne sont guère plus qu’un joli powerpoint, et le tout vire à l’accessoire, donc à l’anecdotique : c’est selon moi ce qui s’est passé avec le second tableau, consacré au numérique. Enfin, il va falloir être capable de renouveler l’exercice, sans quoi il risque fort de tourner en rond. Or, en rhétorique, plus les procédés sont visibles, moins ils sont efficaces.  

Mais en dépit de ces réserves, dimanche, il me semble que l’exercice du meeting s’est trouvé véritablement, et profondément, renouvelé. Cela me semble assez rare pour être souligné !

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