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Le premier discours du candidat Macron

Tous les soirs, Clément Viktorovitch décrypte les discours politiques et analyse les mots qui font l'actualité.

Article rédigé par franceinfo - Clément Viktorovitch
Radio France
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Temps de lecture : 4min
Tous les soirs, Clément Viktorovitch décrypte les discours politiques et analyse les mots qui font l'actualité (19 ocotbre 2021).  (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Mardi 9 novembre, Emmanuel Macron s'est adressé aux Français dans une allocution exceptionnellement longue puisqu'elle a duré 27 minutes. Aucun doute : c'était le premier discours de candidat du chef de l'Etat pour l'élection présidentielle 2022. Cela se voit à un point à la fois précis et technique : sa structure. 

Laissons de côté le premier quart de l’allocution, dans lequel Emmanuel Macron évoque la crise sanitaire, ainsi que le dernier quart, au cours duquel il évoque les grands enjeux politiques à venir. Concentrons-nous sur la partie centrale, au sein de laquelle il évoque son bilan et dresse des perspectives.

Une structure anaphorique

Un mot, en particulier, est souvent revenu. "Le travail continue donc d'être notre boussole, le fil rouge de notre action. C'est par le travail et par plus de travail que nous pourrons préserver notre modèle social. C'est par le travail aussi que nous permettrons à nos aînés de vivre plus longtemps chez eux. C'est par le travail de tous que nous pourrons continuer de rendre notre Etat plus solide", a ainsi dit Emmanuel Macron. Le travail est donc l’enjeu et, même, la valeur qui sert de boussole à toute son action.

En terme rhétorique, cette construction du discours est une structure anaphorique. L’anaphore est la figure consistant à enchaîner des phrases qui commencent par la même formule. La structure anaphorique consiste en la même chose mais à l’échelle de tout un texte, dont chaque partie commence par la même formule. En somme, c’est une sorte de plan et il est très pratique. Cela permet en effet de donner une cohérence - ou, a minima, une apparence de cohérence - à ce qui ne serait, sinon, qu’une simple énumération de constats, d’idées ou de propositions.

Apporter une unité à des éléments disparates

C'est ce qu'a fait le président de la République et cela confinait d'ailleurs parfois à l'acrobatie. "C'est par le travail de tous enfin que nous pourrons bâtir notre indépendance énergétique. Nous vivons chaque jour les conséquences de la situation actuelle : le plein plus cher à la pompe, la facture de gaz et d'électricité qui augmente. Ce que nous vivons ces dernières semaines nécessite des réponses d'urgence", a expliqué le chef de l'Etat. Si l'on voit bien le lien qui unit travail et préservation de notre modèle social, le rapport entre le travail, l'indépendance énergétique et les prix à la pompe est, lui, plus ténu. Dans cette intervention, le travail est donc un grand slogan dans lequel toute l’action du gouvernement doit rentrer au chausse-pied.

Il ne s'agit pas d'une formule opportuniste car c’est une valeur qu’il martèle depuis le début de son quinquennat. En revanche, il y a des raisons stratégiques au fait de tant mettre ce mot en avant maintenant. En effet, il lui permet de s’inviter, innocemment, à la table des débats qui animent en ce moment les candidats à l'investiture du parti Les Républicains pour l'élection présidentielle qui, tous, prônent le travail comme point cardinal.

Une figure caractéristique des discours d'entrée en campagne

Cette structure anaphorique est particulièrement caractéristique par sa capacité à apporter une unité à un ensemble de mesures disparates. La structure anaphorique est celle des grands discours de politique générale ou des grands discours d’entrée en campagne. Marine Le Pen, par exemple, avait utilisé le concept de liberté comme pivot dans son grand meeting de septembre 2021. Anne Hidalgo avait, elle, érigé le respect en boussole. Emmanuel Macron lui-même, en avril 2019, avait inauguré le deuxième temps de son mandat, après la crise des "gilets jaunes", en rythmant sa conférence de presse avec une même formule : "L’art d’être français."

Depuis, les temps ont changé et le concept phare également. En revanche, le procédé reste : c’est celui d’un discours qui donne de grandes perspectives pour l’avenir. A quelques mois d’un scrutin présidentiel, en politique, cela porte un nom : faire campagne.

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