Que feraient Les Républicains en cas de majorité relative ?
Les Républicains n’accepteront ni compromis, ni alliance, mais feront des propositions et voteront certains textes, renvoyant aux pratiques institutionnelles de la IIIe République dont voulait faire table rase le général de Gaulle.
Arrivés quatrièmes dimanche dernier lors du premier tour des élections législatives, Les Républicains pourraient bien se révéler comme l’une des clés du scrutin, si Emmanuel Macron se voyait contraint de construire une majorité relative. Une éventualité face à laquelle ils semblent divisés. Que feraient-ils si Emmanuel Macron échouait à rassembler une majorité absolue à l’Assemblée nationale ? Accepteraient-ils de gouverner avec lui ? Ou resteraient-ils dans une stricte opposition ?
L’appel à une véritable alliance de gouvernement
"La question se pose pour nous tous de voir si on va imaginer ce qu'on pourrait appeler un accord de gouvernement pour exiger que nous puissions mettre en œuvre des réformes qu'il ne veut pas faire, expliquait ainsi jeudi 16 juin sur RTL Jean-François Copé, maire de Meaux et ancien président de l’UMP. Donc, j'imagine demain quelque chose qui pourrait ressembler à ce que nous avions connu autrefois avec le RPR et l'UDF, c'est à dire deux structures partisanes qui soient capables de porter des réformes courageuses." Jean-François Copé est extrêmement clair : il appelle de ses veux une véritable alliance de gouvernement, comme c’était le cas hier pour le RPR et l’UDF ou pour la gauche plurielle, entre 1997 et 2002. Ce serait, au fond, une solution très classique dans le cadre de la Ve République.
Il n’est cependant pas sûr qu’elle aboutisse : elle semble très contestée en interne, à commencer par Gérard Larcher. Le président du Sénat, deuxième personnage de l’Etat, était jeudi matin l’invité de BFMTV. "Moi je suis pour une opposition qui soit indépendante, claire et qui soit utile au pays, martelait-il. Donc il n'est pas question ni de fusion ni de coalition. Cette ligne est, je le répète, indépendante, claire et utile au pays. Nous voulons collectivement être utiles au pays." Vous l’entendez : pour Gérard Larcher, Les Républicains doivent rester une opposition claire et indépendante. Et, stratégiquement, cela se comprend. L’hypothèse défendue par Jean-François Copé pourrait avoir pour conséquence de voir les Républicains se dissoudre, progressivement, au sein de la majorité Présidentielle. Leur objectif ultime, reprendre le pouvoir, risquerait de s’en trouver compromis.
Concrètement, une opposition "utile au pays" ne signifie pas grand-chose : la formule reste extrêmement floue. Heureusement, le président du Parti LR, Christian Jacob, nous permet d’y voir plus clair : il était ce matin sur Europe 1. "Nous sommes dans l'opposition à Emmanuel Macron, mais cette opposition sera une opposition utile, utile au pays, assurait-il. Ça veut dire que nous serons toujours force de proposition, non pas dans des compromis, dans des alliances, il n'y en aura pas. En revanche, nous ferons des propositions si nos propositions sont retenues. Nous avons toujours assumé d'être capables de voter des textes lorsqu'ils vont dans le bon sens."
C’est déjà un peu plus clair : les Républicains n’accepteront ni compromis, ni alliance, mais ils feront des propositions et voteront certains textes. Et c’est intéressant car cela nous renvoie à une pratique institutionnelle très ancienne : celle de la Troisième République. A l’époque, le président du Conseil (c’est-à-dire, le chef du gouvernement), disposait rarement d’une majorité stable à l’Assemblée nationale. Il était donc contraint de rechercher des "diagonales", c’est-à-dire de négocier, au cas par cas, texte par texte, tantôt avec tels groupes tantôt avec tels autres, pour tenter de faire adopter leurs lois. Le modèle n’était pas idéal en termes de rapidité et d’efficacité, mais fonctionnait. Cette pratique des institutions, très parlementariste, est précisément celle contre laquelle s’était élevé le général de Gaulle.
Emmanuel Macron aurait du mal à gouverner sans majorité relative
Il est cependant vrai que la Ve République prévoit une solution en cas de majorité relative, à commencer par le fameux article 49-3, qui permet au Gouvernement de faire adopter un texte sans avoir besoin de le faire voter par le Parlement. D’ailleurs, c’est grâce à lui que Michel Rocard a pu gouverner malgré une majorité relative : entre 1988 et 1991, en trois ans, il l’a utilisé 28 fois. Sauf que l’article 49-3 a été réformé en 2008, sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy : il ne peut désormais plus être utilisé (pour simplifier), que sur un texte par an en plus des lois de finances. Emmanuel Macron pourrait-il gouverner aujourd’hui avec une majorité relative ? Ce serait en tout cas beaucoup plus difficile. Il faut mesurer l’ironie de la situation : une réforme constitutionnelle voulue par un président gaulliste pourrait aujourd’hui conduire l’opposition gaulliste à imposer, au président de la République, la pratique du pouvoir dont avait précisément cherché à se prémunir… le général de Gaulle !
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