Expliquez-nous... L'évolution du Prix Nobel de la paix
Alors que Denis Mukwege et Nadia Murad sont récompensés par le Prix Nobel de la paix pour pour "leurs actions visant à mettre fin à l'utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre", focus de franceinfo sur l'évolution du Prix Nobel de la Paix.
Dans son testament en 1895, Alfred Nobel précise que le Prix Nobel de la Paix devra "récompenser la personnalité ou la communauté ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation de progrès pour la paix".
Des objectifs initiaux inscrits dans l'esprit d'une époque
Lorsqu'il écrit son testament, Alfred Nobel a en tête le mouvement pacifiste qui prend forme et cherche à rapprocher les Etats pour assurer la paix, à promouvoir l'arbitrage, les conférences internationales comme moyen de régler les conflits.
Les premiers lauréats sont le pacifiste Frédéric Passy et le fondateur du mouvement de la Croix rouge Henri Dunant. Suivra, en 1905, celle qui, dit-on, a pu influencer Alfred Nobel lorsqu'il a écrit son testament: la pacifiste autrichienne Bertha Von Suttner.
Dans la lignée du testament d'origine sont aussi récompensés les promoteurs de traités de paix, d'organes de coopération internationale ou en faveur du désarmement et des institutions ayant le même objectif. L'institut de droit international, le Bureau international de la paix, L'ONU, ou plus récemment des organisations luttant contre les mines antipersonnel, les armes chimiques ou les armes nucléaires.
Progressivement, le Comité Nobel élargit a visée du prix
Le Nobel a par la suite régulièrement récompensé des personnalités ayant participé ou souhaité participé à l'élaboration de processus de paix, quels qu'aient été les actes passés ou la concrétisation des objectifs visés: Theodore Roosevelt, Shimon Peres, Yasser Arafat, Yitzhak Rabin, Henri Kissinger, Jimmy Carter, Juan Manuel Santos, ou Barack Obama récompensé après à peine un an de présidence.
Le Nobel a aussi récompensé des personnes incarnant des causes planétaires dépassant le seul cadre des conflits: lutte contre le réchauffement climatique mise en avant à travers Al Gore et le GIEC, lutte en faveur des droits de l'homme, contre les discriminations raciales, contre la pauvreté... Le Nobel a alors et aussi pu devenir un moyen indirect -et évidemment politique- de condamner et tenter de protéger (le Sud-africain Desmond Tutu, le dissident chinois Liu Xiaobo, la Birmane Aung San su ki, à l'époque où elle était assignée à résidence...) ou d'orienter l'attention médiatique vers une réalité et un combat, comme celui de la jeune Pakistanaise Malala en faveur de la scolarisation des petites filles.
Aujourd'hui Denis Mukwege, qui lutte contre ce qu'il appelle la "guerre sur le corps des femmes", ou Nadia Murad, ancienne esclave sexuelle de jihadistes oeuvrant pour rétablir la dignité des victimes, s'inscrivent dans cette évolution vers un Nobel humaniste et moral, un Nobel du "bien" et du courage autant que de la "paix".
Le prix ne récompense plus seulement les personnes ou institutions oeuvrant pour rapprocher les peuples ou mettre fin aux conflits mais met aussi en avant les parcours de vie de ceux qui résistent, dénoncent ou réparent.
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